En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
B) Le désert du SAHARA
El Golea
Nous allons plein sud, nous passons devant le panneau donnant les ultimes recommandations pour éviter la "solution finale", soit pour les voitures, soit pour les passagers. Nous nous engageons sur la belle avenue du désert qui fait à peine deux mètre cinquante de large, en direction d'El-Goléa. Ce n'est pas loin : deux cent cinquante kilomètres, et la pompe à essence de l'oasis a été ravitaillée la semaine dernière...
La route est très belle et bien goudronnée. Le paysage est très caillouteux et je n'en trouve pas d'équivalent en France. L'ancien plateau a été laminé par l'érosion, la couche géologique supérieure, plus solide et résistante, protège les couches inférieures plus friables. Les plateaux sont à trente ou quarante mètres d'altitude, la route serpente au milieu de ce paysage lunaire entre les plateaux. Les portions de route rectiligne ne sont pas trop longues (rarement plus de soixante km !). D'un seul coup, nous descendons sur El-Goléa. Au fond, quatre-vingts mètres plus bas, les plateaux sont encore plus impressionnants, des tables de géants, qui finissent par se resserrer, on finit par se sentir à l'étroit, tellement le contraste avec les grands espaces est fort.
A El-Goléa, il y a du sable mais pas de dunes. Jusqu'à présent, pas d'ennui mécanique, à part un carburateur qui se bouche de temps en temps. Ce sont chaque fois dix minutes de gagnées pendant lesquelles je fais le plein de paysage. L'eau d'El-Goléa est délicieuse, les conducteurs se payent le luxe de se raser, c'était utile, car j'avais l'impression de voyager avec des barbouzes en mission. Nous achetons à manger : des kg d'oranges, de tomates, mais pas de graisse pour cuire la viande. Le pain est abondant ainsi que le coca cola. Nous faisons aussi provision de bois ! ?
A la sortie, comme à l'entrée de la ville, nous passons le contrôle de police où nous donnons notre itinéraire, et la police vérifie l'état des voitures, formalités très rapides !
Nous prenons deux autres auto-stoppeurs qui poireautaient depuis quatre jours à El-Goléa. A mon avis, c'est une grosse imprudence, car si une voiture casse définitivement, on va être six dans deux voitures surchargées de matériels. Sur la tôle ondulée, on ne va pas loin quand on est trop chargé, mais après tout, ce sont des Pigeot Tout le monde, ici, sait que Peugeot gagne les grands rallyes africains, alors il n’y a pas de raison que les nôtres (qui ont quinze ans d'âge) ne tiennent pas le coup ! Ben voyons ! ….
Nous quittons El-Goléa à six personnes vers seize heures. La route remonte sur le plateau. Des montagnes, au loin, se découpent dans la lumière du soir. Elles sont aussi nues que le crâne d’un chauve. Le plateau est très caillouteux. Nous dépassons le carrefour avec la route qui part sur Timimoun à droite, et qui rejoint l’autre "grand-route", venant de Béchard vers Gao au Mali. A gauche, c’est le Grand Erg Oriental avec Hassi-Messaoud. Nous passons le Fort Miribel et nous abordons le plateau du Tademaït. Ce n’est pas compliqué, il y a quatre cents km sans un semblant de tournant, droit comme un rayon lumineux, c’est ‘éprouvant pour un conducteur : l’horizon est sur 360°, tracé au cordeau, pas un creux pas une bosse, imaginez une puce sur une table et l’horizon qu’elle peut avoir, c’est exactement cela, le vide est difficile à décrire. Le sol est plein de petits cailloux et graviers, on sait qu’il y a du vent dehors car il fait du bruit contre la voiture... On se sent tout fragile, on roule à cent, d’après le compteur... mais on serait à deux cents que ce serait pareil car il n’y a aucun repère extérieur fixe comme un arbre, une maison ou un poteau, pour voir la vitesse...
Le jour tombe, j’ai le réflexe de dire qu’il faut chercher un endroit pour s’arrêter ! Mais c’est inutile ! Nous nous éloignons de la piste, non sans avoir fait un repère avec des petits cailloux pour éviter de se tromper de sens quand nous repartirons le lendemain... Alors me revient un truc de routiers algériens : ils sortent de la piste (pardon : “du goudron”) et se rangent en sens inverse, comme s’ils faisaient demi-tour, et le lendemain, ils refont un deuxième demi-tour pour repartir dans le bon sens.
Les trois conducteurs des Pigeot qui en sont à leur troisième traversée du désert sont blasés, alors ils écoutent la radio : France Inter ou RMC. Heureusement pour le désert, la radio sera rapidement encrassée et ensablée...
Vos souvenirs de paysages en photo..si cela vous tente !
Ouvrage de Yann Arthus-Bertrand, "L'Algérie vue du ciel"
Le site :
http://www.yannarthusbertrand.org/yann2/
Cordialement,
Rédigé par : Meriam R | 28 juin 2008 à 15:03