A l'issue de la guerre de Trente ans (1618-1648) qui avait laissé l'Alsace ravagée et dépeuplée par les combats, le Marquis de Louvois (1641-1691) ministre, secrétaire d'état de la guerre, du roi Louis XIV, s'est employé à « réunir » la province à la France. L'ayant réalisé pour la presque totalité, il s'est tourné en 1681 vers Strasbourg, ville libre du Saint Empire romain germanique depuis 8 siècles.
Pour ce faire il a rassemblé une armée de 30.000 soldats devant les défenses de la ville. Pour appuyer ses exigences, il a proclamé un ultimatum expirant le lendemain. En cas de refus de réddition, il menaçait de détruire totalement la ville par le fer et le feu.
Le 30 septembre 1681, Strasbourg a capitulé et a été annexée sous la menace d'être rasée. Parmi les exigences imposées figurait l'obligation faîte aux protestants de rendre la cathédrale au culte catholique.
En théorie Louis XIV avait dit qu'il fallait laissé ses us et coutumes à l'Alsace ainsi que sa langue et le culte luthérien (protestant) là où il était pratiqué. En France c'était la répression envers les réformés depuis la révocation de l'Édit de Nantes.
En fait par divers moyens de pression son administration s'employa à favoriser le retour au catholicisme. Par ex. dès qu'il y avait sept familles catholiques qui s'installaient dans une paroisse, les protestants devaient pratiquer le simultaneum ou partage de l'église : le chœur et la nef. Ceci entraîna bien des tensions dans les populations.
Dans l'ouvrage de G. Livet on peut relever les nombreuses méthodes employées pour amener les protestants à abjurer. Ex : un mari se convertit pour obtenir un poste important, sa femme refuse, on lui enlève les enfants pour les mettre dans un couvent à Nancy aux frais du roi. La mère désespérée meurt dans l'année qui suit... Les moyens de pression sont divers cependant le but est d'obtenir les conversions mais sans les dragonnades.
Par contre les réformés réfugiés ou transitant par l'Alsace sont pourchassés et jugés. "L'activité d'Obrecht, préteur royal, pose un problème plus délicat, d'abord par la conversion de ce savant jurisconsulte, puis par les modalités de son activité. Son attitude se rattache à l'espoir caressé, semble-t-il, par Louvois, d'une conversion générale et quasi-immédiate de la vieille cité protestante.
Que les notables chancellent, et le reste suivra ! La résistance de Dietrich fait avorter ce plan : Louvois rencontre l'inflexibilité d'une conscience alors qu'il ne pensait qu'à satisfaire une ambition. La conversion d'Obrecht est d'une qualité plus rare : mise à part la persuasion dont a usé Bossuet, il reste qu'Obrecht a en lui une rancœur inassouvie contre le Magistrat de Strasbourg (Gouvernement de Strasbourg) qui a fait trancher la tête de son père - Dietrich étant Ammeister/chef de l'administration de la ville.
L'évêque anglican Gilbert Burnet note en 1685 que la ville est partagée en deux camps, les uns pour Dietrich, les autres pour Obrecht. Dans quelle mesure enfin les préparatifs politiques et les promesses de l'intendant qui, en 1683, parle d'un subdélégué luthérien, ont-ils joué ? En 1685 dès son installation comme prêteur royal, Obrecht surveille la bonne application de la règle de l'alternative ; en 1693, Louvois lui envoie les marques de la satisfaction royale ; « Sa Majesté voit avec plaisir les soins que vous vous êtes donné pour faire que les bourgeois catholiques de Strasbourg eussent bonne part au choix qui a esté fait de ceux qui doivent remplir les charges du magistrat, et elle vous donnera dans les occasions des marques de la satisfaction qu'elle en a ».
Barbezieux suit les traces de son père : « Le Roy a vu qu'il y a déjà un bon nombre de catholiques dans le sénat de Strasbourg, Sa Majesté a approuvé l'élection du Sr Frédéricq pour consul régent, ne doutant pas qu'avec les bonnes inclinations qu'il a pour la France les choses que le Roy pourrait désirer ne réussissent... ».
C'est la conséquence d'une politique suivie : si l'intendant a dû intervenir à l'origine, dans certaines circonstances exceptionnelles, la machine bien rôdée tourne d'elle-même sous la surveillance du syndic et du préteur. Dans les notes : Louvois prétend que l'opposition à l'introduction à Strasbourg du nouveau calendrier est due à Dietrich, « il ne sera pas impossible qu'il reçoive l'ordre d'aller en Bretagne » (extrait de L'intendance d'Alsace 1634-1715, Georges Livet 1084 pages, Presses universitaire de Stbg)
Les XVII et XVIIIè siècles... L'occupation française ne se fit pas sans heurts, en particulier en raison de la politique religieuse de Louis XIV. C'est ainsi que l'Ammeister de Strasbourg, Dominique Dietrich encourut la disgrâce du Roi-Soleil à cause de sa foi protestante.
Il naquit à Strasbourg en 1629 d'une famille immigrée de Saint-Nicolas-de-Port en Lorraine. Grâce à son talent, son intelligence et son habileté dans les affaires Dietrich devint Ammeister en 1660 et joua un rôle prépondérant dans la politique strasbourgeoise. Quand Strasbourg se vit de plus en plus menacée dans son indépendance (septembre 1681), Dietrich dut se rendre à la tête de la députation strasbourgeoise auprès du général Monclar et du ministre Louvois. L'Ammeister sut encore obtenir de bonnes conditions, mais dut accepter la capitulation.
Dans les années suivantes, Dietrich, protestant convaincu, résista à toutes les sollicitations du roi de France et resta inébranlable dans sa foi. Aussi fut-il exilé à Guéret (dans la Creuse) en 1685, puis après un retour en 1688, à Vesoul. Autorisé finalement à revenir à Strasbourg, il resta prisonnier dans sa maison, ne pouvant voir que les membres de sa famille; il s'éteignit en 1694 (bibliographie: hommes célèbres d'Alsace -Lucien Sittler -SAEP).
Pour en savoir plus :
§ Gallica : Un épisode de la révocation de l'édit de Nantes : exil à Guéret du
premier magistrat [Dominique Dietrich] de Strasbourg en 1685 / par Louis Duval...
§ Wikipedia : Histoire de Strasbourg
Illustrations : Ancarpost
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