En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage initiatique de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
Enfin c'est le départ : embarquement vers dix heures du matin, après avoir fait les papiers de douane et rempli la fiche d'embarquement. Sur le bateau, je rencontre plein de gens : des Français, des Belges, des Suisses, allant au Niger et plus. Et dire que je suis resté quatre jours à Trapani sans voir un seul d'entre eux !
Je fais connaissance avec deux photographes Belges qui attendent un copain pour partir en Land-Rover depuis Tunis ; d'un Français et de son amie, fauchés comme les blés, qui faisaient un tour dans le sud tunisien pour passer l'hiver ; d'un autre Français un peu poète et joueur de toutes sortes d'instruments possibles, il avait l'intention d'aller à "Tamanrasset" ("Tam" pour les initiés) ; ainsi que d'autres gens allant au Mali.
La traversée est très belle, avec un beau coucher de soleil sur les îles de ? et sur la mer très calme. Nous accostons à Tunis où il fait un froid de canard. Tous les six, nous sommes restés deux jours à visiter le marché, la médina, les vieux quartiers arabes.
A Tunis, achat d’un portefeuille en cuir de chameau : vu la minceur du cuir, je n'avais qu'une confiance limitée mais il tient toujours ! On dévore les divers couscous qu'on peut trouver en Médina, ça rappelle les vieux souvenirs marocains.
Il fait beau et froid. Je décide de descendre en stop sur Sfax et Gabès. A Sousse, c'est la déprime, il pleut...
La première voiture qui me charge, le chauffeur s'arrête, descend et me demande si je peux lui faire l'honneur de monter dans sa voiture ! De toute ma carrière de stoppeur, c'est la première et dernière fois que cela m'arrive!
Le paysage est plat, gris comme le ciel. Pressé de voir le soleil, je n'ai pas pris le temps de visiter Sousse, pas de vieux os ! Je fonce sur Sfax, ville industrielle, qui ne déchaîne pas l'enthousiasme des autres personnes rencontrées en route.
Arrêt à El Jem où se trouvent des ruines romaines.
A part l'hôtel "populaire" à 40 fr la nuit, il y a la "maison du Peuple". Je rencontre un officier de gendarmerie tout content de savoir que je viens de France, et de Strasbourg en particulier. C'est le délire : il commence à me raconter la libération de la ville, puis tous les souvenirs des beaux (et moins beaux) quartiers de la ville, la Cathédrale, les environs. Certain de me faire plaisir, il se met à parler en Allemand ! Malheureusement la langue de Goethe m'est quasiment inconnue, et j'aurai toutes les peines du monde à lui expliquer qu'on peut être de Strasbourg, habiter seize ans en Alsace, sans parler un mot de la langue !
Ensuite, je rencontre un jeune qui à l'air sympa : Il m'invite chez lui, me pilote en ville et m'introduit auprès de plein de gens. Dommage qu'il ne comprenne pas que, par moment, je désire aussi me promener tout seul dans le village, faire connaissance avec les gens et lieux qui m'attirent le plus. Cela finit par être si pénible que je me "tire" rapidement du village. J'avais beau lui expliquer, il n'y avait rien à faire, c'est dommage.
Au nord de Sfax, la plaine est couverte d'une véritable forêt d'oliviers : c'est impressionnant. A Sfax, je ne m'y attarde pas.
Je trouve un camion jusqu'à Gabès. Les chauffeurs sont enjoués et fiers d'avoir un Français en leur compagnie (et moi, d'être dans un camion qui me descend toujours plus dans le Sud)
"Alors c'est comment la France ?"
-"Est ce qu'il y a du travail ?"
-"Ha! je connais Paris! j'ai fait la guerre!"
En attendant, il pleut toujours à Gabès, il fait un froid de canard. Ce sont vraiment des kilomètres pour rien ! C'est comment l'Afrique ?
Je reste deux jours à Gabès et fait connaissance avec des jeunes de la ville, étudiants à Sfax. J'essaye "d'approfondir" le sujet de la vie politique du Pays, mais on me fait comprendre que c'est "tabou".
L'essentiel est que le couscous soit bon ! et il est BON!
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