En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
Le Bénin (suite)
Pour un Blanc, je n’imposais pas un luxe insolent, en roulant en vélo, avec un petit sac à dos, cela facilitait les choses. Même pas d’appareil photo, pas de carte de crédit qui vous sauve en plein désert, juste une assurance rapatriement au cas où, (Et gentiment glissée dans mes bagages par ma sœur juste avant de quitter Strasbourg !), quelques chèques de voyage, une fortune dans ces pays mais pas grand-chose en France. Avec 100 FCFA, soit 2 Fr., je pouvais me nourrir. C’est tout ce qu’il fallait, rien de plus.
De tout mon séjour au Bénin et au Togo, c’est vraiment un souvenir de paradis qui en ressort. La misère ne semble pas peser, la vie est nonchalante, personne n’a de train à prendre, et si d’aventure, le bus local a une journée de retard, voire plus, cela n’est pas un problème. Les marchés sont bien garnis, les gens sont mieux habillés au Bénin qu’au Togo, on y sent l’aisance tranquille de la campagne.
Évidemment, tout ceci reste un aperçu de touriste, je ne sais pas comment je réagirai si je devais y vivre. J’ai même songé un court instant à m’y installer, ouvrir une boutique de réparation de vélo! J’aurai eu plein de clients !
A cette époque, le Bénin était sous régime communiste... Dans les petites agglomérations de la brousse, dans la moitié Nord du pays, on pouvait voir des panneaux de propagande qui faisaient rire la population, cela n’inquiétait pas grand-monde ! Mais en tant que blanc, j’étais évidemment un représentant du Grand Kâpital : c’est ainsi qu’un jeune policier m’a abordé et m’a demandé si je ne faisais pas de l’espionnage en me promenant en vélo ! J’ai répondu que je n’étais qu’un simple touriste, parfaitement inconnu de mon gouvernement et que je n’avais même pas d’appareil photo pour le voyage. Rien n’y fit. "Oui, mais qui me dit que tu n’as pas une caméra cachée dans le phare de ton vélo ?" Il commençait à démonter le phare du vélo quand son collègue l’a appelé pour continuer la patrouille ! Ouf ! (et on ne rie pas: j'ai vu des choses similaires en France!)
Lomé et toute la partie autour de la capitale, a beaucoup plus souffert du communisme que la brousse. C’est en partie pour cette raison qu'Alain et moi, concluons de ne pas descendre à Lomé mais de remonter au Togo puis en Haute-Volta.
Au cours du périple, toujours en vélo, je décidais de rendre visite à
la Communauté religieuse de mon Oncle installée en Haute Volta (Burkina)
Je me vois encore, vers 19h00, en train de frapper à la porte de la
mission, et personne ne répondant, je crie à travers la porte que je
viens de la part de mon oncle. Ce fut le bon mot de passe ! J’ai été de
suite accueilli malgré la surprise totale ! : un blanc à vélo en
djellaba bleu ciel et chèche noir, difficile d’y voirson neveu!
Le lendemain, ils me faisaient visiter les champs, la mission. Un autre jour, un des frères me fit faire une visite de brousse. Dans la journée, fatigué, je me suis couché au pied d’un arbre énorme (un manguier ?) pour une bonne sieste. Quand je repris conscience, je sentis la présence de quelqu’un. J’ouvris prudemment un œil et vit une trentaine de gamins en rond, les yeux écarquillés. Cela faisait douze ans que le dernier blanc était passé, donc tous les enfants de moins de douze ans regardaient dans le silence le plus complet. C’est précédé par une troupe d’enfants que je suis arrivé au village. Comme de coutume, j’eus droit à l’accueil du chef du village, avec le cadeau habituel. Il ne parut pas vexé que je le refuse ouf !
Le soir, quand je me retrouve à la mission, avec d’autres blancs, je n’étais plus qu’un blanc parmi les blancs.
Bientôt je quittais les FMC, en leur promettant l’envoi d’une carte postale.
Puis, avec Alain, toujours en vélo, nous continuons sur la capitale de la Haute Volta : Ouagadougou
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