En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
La HAUTE VOLTA (2)
OUAGADOUGOU
A Ouagadougou, nous trouvons à louer une case en terre pour un mois, ce qui nous donnera tous le temps nécessaire pour flâner et visiter la ville.
En 1976, cela ne ressemble pas du tout à nos villes : il y a quelques routes goudronnées, et surtout, le seul feu tricolore de toute la Haute Volta ! La circulation n’est pas intense !
Un jour, j’eus la curiosité d’aller au cinéma en plein air. On y passait un film d’Ingmar Bergmann, cinéaste qui aime bien les situations complexe dans les couples, des situations à l'européenne quoi ! Comment le public noir va-t-il réagir ? Du début à la fin du film, ce ne fut qu’un fou rire général de la part des spectateurs ! Jamais film aussi “ sérieux ” ne fit autant rire ! Comme quoi, les plus fous ne sont pas toujours ceux qu’on croit !
J’allais aussi au marché en plein air où je vis des artisans fondeurs qui coulaient des figurines traditionnelles pour des jeux d’échec. Il y avait un choix formidable de tissu pour la confection des pagnes et des boubous. (Tissus imprimés en Belgique, selon des motifs africains)
Mais bientôt, je me sentis très fatigué, au point de ne plus me lever
de toute la journée. Un jour, je réussis à me lever et mon compagnon de
route eut peur de me voir ainsi : j’étais maigre comme un clou et
tenait à peine debout. Aussitôt, il m’emmena sur le porte-bagage du
vélo à l’hôpital de Ouaga, où un Blanc donnait des consultations
publiques. Je pris mon tour dans la longue file, mais le médecin vit de
suite que quelque chose n’allait pas : j’avais perdu 18 kg ! En prenant
mon identité, le médecin me demanda : "Vous ne seriez pas de la parenté
de la famille X ?" C’était le docteur Y, un cousin en coopération à
Ouagadougou ! Aussitôt, je fus installé dans une chambre et mis sous
perfusion pendant 48 heures. J'étais tellement épuisé que j’arrivais à
dormir même avec l’aiguille dans le bras.
Cependant, le surlendemain, comme je trouvais le temps long, je
décidais d'enlever l’aiguille. La pauvre infirmière a pris un sacré
savon par le médecin.
Mon voisin de chambre passait des heures et des heures à discuter avec
toute sa famille, jusqu’à des heures indues le soir. Comme je lui
demandais, au bout de trois jours, un peu de calme pour dormir, il m’a
répondu par un flot d’injures racistes. J’étais effondré et
compris alors que la bêtise et le racisme sont parmi les "qualités" les
plus répandues sur terre. Je lui demandais simplement l'autorisation de dormir !
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