Après l’énorme succès du « Montespan », Jean Teulé s’intéresse à un fait divers méconnu de l’histoire de France : le calvaire d’Alain de Monéys, victime en 1870 de la folie collective de tout un village.
Rien ne semble pouvoir résister au touche-à-tout Jean Teulé. Précurseur de la « BD-réalité » dans les années 1980 avec ses Gens de France, chroniqueur dans l’Assiette anglaise animée par Bernard Rapp et dans Nulle Part Ailleurs, sur Canal+, ce grand blond s’est reconverti avec bonheur dans l’écriture. L’auteur de Darling et du Magasin des suicides a fait un tabac l’année dernière avec son croustillant « Le Montespan ». Ce livre consacré à un cocu magnifique sous le règne de Louis XIV s’est en effet écoulé à 300.000 exemplaires et doit être adapté au cinéma avec Daniel Auteuil. Jean Teulé s’intéresse dans son nouveau livre à un fait divers sordide et méconnu de l’histoire de France : la mort d’Alain de Monéys le 16 août 1870, massacré par une foule qui l’accusait sans aucun fondement d’être un Prussien.
Nul n'est à l'abri de l'abominable. Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys, jeune aristocrate périgourdin, sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye (Dordogne), le village voisin. C'est un jeune homme plaisant, intelligent, aimable et bon. Il arrive à quatorze heures à l'entrée de la foire. Deux heures plus tard, la foule devenue folle l'aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé. Comment une telle horreur est-elle possible ?
Ce jeune noble du Périgord, connu pour sa générosité et fraîchement élu à l’unanimité comme conseiller municipal, s’était ce jour là rendu à la foire de Hautefaye, le village voisin. Mais dans une atmosphère de crainte, alimentée par les défaites face à la Prusse, un quiproquo allait tout faire basculer. Alain de Monéys se retrouve désigné comme ennemi de la patrie, alors que tout le monde le connaît et qu’il s’était porté volontaire pour le front. Il se fera lyncher, torturer, brûler vif et même manger par des villageois devenus fous.
Le mercredi 21 décembre 1870, 21 personnes sont condamnées à diverses peines. Le lundi 6 février 1871, à 8h31 à Hautefaye, quatre des vingt et une personnes condamnées pour l'assassinat d'Alain de Moneys d'Ordières, sont guillotinées.
A l’aide d’un verbe toujours aussi truculent et d’un humour plus noir que jamais, Jean Teulé décrit minutieusement le long chemin de croix de ce martyr de la barbarie de gens ordinaires. (âmes sensibles s’abstenir !)
Mangez-le si vous voulez,
Jean Teulé, Julliard, 17 €
Sources :
§ Direct Soir : Article de presse
Fan de BD, je connaissais Jean Teulé par son talent de dessinateur avec "Bloody Mary". J'ai acheté "Mangez-le si vous voulez" et je suis resté scotché par la force de son style attaché à décrire un drame des plus sordides avec la précision d'un inspecteur de police qui cultiverait l'humour noir (histoire de faire passer la pilule). 1870 ça peut paraître loin, on peut oublier. Mais rappelons-nous l'épuration de 1944 ou encore les insultes de la foule en furie dans les stades (voir l'excellent "A mort l'arbitre" de Mocky à ce sujet). Non, l'effet de masse n'est pas mort, ne nous croyons pas à l'abris de ce genre de folie. Qu'une situation extrême arrive et vous verrez la population "civilisée" revenir à l'âge des cavernes au rayon fruits et légumes de votre supermarché ! C'est parce que, pour le moment, nous avons tout ce qu'il faut que rien ne bascule... En tout cas, merci à J. Teulé d'avoir dépoussiéré ce triste fait-divers. Il nous rappelle à nos extrêmes limites...
Rédigé par : Franx | 24 juin 2009 à 19:59
Je suis entièrement d'accord avec vous sur le phénomène humain collectif, la foule dans laquelle l'individu se fond parfois est synonyme d'anonymat qui permet de cracher sa haine et son venin accumulés on ne sait pas trop pourquoi, sans pour autant être identifié. C'est ce que décrivait parfaitement le psychologue Carl Gustav Jung comme l'inconscient collectif.
Effectivement, j'ai connu Jean Teulé animateur de télévision, et je suis très (agréablement) surpris par ses qualités d'écrivain et d'historien. J'ai vu récemment sur les locales de FR3, qu'un téléfilm était en court de réalisation dans la Cité de Carcassonne, ayant pour scénario son livre « Je, François Villon », qui devrait être diffusé en septembre sur FR2.
Rédigé par : Serge Busiau | 25 juin 2009 à 16:44
jean Teulé que je viens de rencontrer à une fête du livre , est un génial observateur, conteur écrivain, il dessine bien également : j'ai même récité avec lui, alors qu'il me dédicaçait son dernier livre,la ballade des pendus - à lui la 1ère strophe, à moi les suivantes.... -à deux voix, ce fut super!!!
Rédigé par : André-Régis Habig | 29 octobre 2009 à 22:05