En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
Agadez
Nous abordons Agadez vers 18h00, sous un soleil couchant brillant de tous ses ors. La nuit, et le couvre-feu, s’abattent sur la ville. Je pars à la recherche d’un hébergement mais il n’y a plus de place à l’hôtel, chose qui arrive à des gens très bien ! Au coin de la rue, j’avise un camion de l’armée avec plein de gens autour. Je m’approche et demande au gradé, naïvement, s’il connaît un endroit pour dormir ! Avec un large et vaste sourire plein de dents étincelantes, il répond "bien sûr, je t’y emmène de suite !"
Je me retrouve à la prison flambant neuve d’Agadez, passeport confisqué. Comme je suis blanc et Français et que, putschistes ou non, ils ont tous besoin de la France, j’ai droit à un traitement de faveur : je dors parterre, dans un couloir, alors que les autres sont à cinquante dans une cellule, entassés comme des sardines, par une chaleur moite...C’est invraisemblable.
A deux heures du matin, la chaleur est suffocante, je vais dans la cour, sans réaliser un instant que toutes les cellules donnent dessus, et m’abreuve à une jolie fontaine bien fraîche, et sous le regard de tous ! . J’entends une voix : à ce moment, je réalise les conditions de leur détention (50 par cellule) et donne de l’eau derrière une grille. Aussitôt, les autres cellules font du grabuge car ils voudraient aussi boire ! ce qui réveilla bien sûr le gardien. J’eus beau expliquer qu’ils avaient soif, la seule réponse fût une menace d’enfermement dans une des cellules !
Pour moi, ces hommes ne méritaient pas un tel traitement, n’ayant eu comme seul tort que celui d’être dehors au début du couvre-feu.
Les normes européennes sur la détention et le traitement des prisonniers n’étaient une fois de plus qu’un vague concept.
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