"Comme leur bec a poussé"
L’an dernier en juin, écoutant distraitement le journal télévisé régional FR3 Alsace, j’entends me semble-t-il que Microsoft choisissait l’alsacien pour créer son premier logiciel d’une série en langues régionales.
J’ai cru avoir mal entendu, tant cela ressemblait à une plaisanterie. Incrédule, j’ai eu la confirmation dans le quotidien des DNA le lendemain. Mais après tout, il y avait déjà le petit Gaulois frondeur Astérix publié en alsacien.
Et voilà qu’aujourd’hui ce projet, porté par le géant de l’informatique mondial et le Conseil Régional d’Alsace est en voie d’achèvement. Le logiciel gratuit en alsacien de Microsoft Office sera disponible à la fin du mois de mars 2007.
Ces 50 000 mots et expressions sont l’aboutissement du travail assidu et passionné d’une équipe de linguistes, d’universitaires et d’étudiants. Ainsi l’alsacien va faire une entrée dans le troisième millénaire par la grande porte et à l’aide de la technologie de pointe !
C’est Germain Muller (1923-1994) qui en serait bien étonné. Il était, auteur et acteur de théâtre en dialecte (80.000 spectateurs / an au théâtre du "Barabli"), adjoint aux affaires culturelles du maire de Strasbourg Pierre Pflimlin. Cet homme chaleureux, plein de verve et d’ironie, aurait troussé quelques vers sur cet évènement insolite.
Lui qui un peu amer avait écrit avec son ami M. Hirlé : "Mir sin schînts d'Letschte, d'Allerletschte von denne Laetze wo noch so babbele wie 'ne der Schnawwel gewachsen ésch (il semble que nous sommes les derniers, les tout derniers qui parlent encore tel que le bec nous est poussé)".
Il déplorait que les jeunes générations délaissent la langue dialectale que leurs ancêtres avaient parlée durant des siècles. Dans sa forme ancienne c’était la langue de Charlemagne. L’alsacien, parler de l’enfance et du cœur, langue consolatrice au temps des épreuves, langue de la familiarité et de l’humour. Permettant aussi l’autodérision comme dans la ritournelle :
Version Alsacienne |
Version Française |
Dr Hans im Schnokeloch |
Le Jean dans le trou à moustiques |
Hett alles was er willl |
A tout ce qu'il veut |
Un was er hett |
Et ce qu'il a |
Das will er nitt |
Il n'en veut pas |
Un was er will |
Et ce qu'il veut |
Das hett er nitt |
il ne l’a pas |
Eh ! bien, Germain et tous ceux qui étaient attachés à ce patrimoine linguistique seraient surpris mais heureux de voir sa promotion aujourd’hui.
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