Alors que la série consacrée aux contes et nouvelles de Guy de Maupassant triomphe actuellement sur le petit écran, et nous plonge dans l’âme et les paysages de la Normandie rurale de la seconde moitié du XIX° siècle, vous aurez sans doute remarqué la récurrence d’un thème dans les premiers épisodes télévisés : celui de la figure du père, thème central qui hante toute l’oeuvre de Maupassant et nous ramène à la propre naissance de l’écrivain.
Sa mère, Laure Le Poittevin, passionnée de littérature, nourrissait une profonde admiration pour son frère Alfred, le meilleur ami de Flaubert. C’est en leur compagnie qu’elle fait la connaissance de Gustave Maupassant, un dandy nonchalant, séducteur, mais personnage médiocre en regard de la personnalité des deux amis écrivains. Celui-ci s’empresse de la séduire, mais elle, qui souffre de sa condition de roturière et rêve de s’évader de sa médiocrité provinciale, résiste car elle lui reproche de ne pas avoir de particule à son nom. Puis, de lassitude, elle se résigne, mais elle n’acceptera de l’épouser que s’il fait des recherches dans les archives afin de trouver une origine noble à sa famille... Selon Henri Troyat, « par chance, il se trouve qu’un Jean-Baptiste Maupassant, conseiller-secrétaire du roi, a été anobli en 1752 ». Gustave revendique aussitôt le droit à la particule... et il obtient satisfaction en juillet 1846. Il peut désormais s’appeler Gustave de Maupassant.
Le mariage a lieu le 9 novembre de la même année. Peu après, Alfred, le frère de Laure, épouse Louise, la soeur de Gustave... Une double alliance, pratique courante dans nos généalogies rurales, qui unit encore plus étroitement les familles.
De l’union de Laure et Gustave naît le 5 août 1850 un garçon prénommé Guy. Il est ondoyé le 20 août et baptisé un an plus tard, le 17 août 1851. Sur sa naissance, bien des zones d’ombres vont rester longtemps vivaces. Est-il né au château de Miromesnil, commune de Tourville-sur-Arques, comme indiqué sur son acte de naissance ? Ou à Sotteville, près d’Yvetot, comme il est indiqué, sans doute par erreur, dans son acte de décès ? Ou bien dans la maison familiale à Fécamp, car la rumeur locale précise que Laure ne se serait installée au château de Miromesnil qu’après ses relevailles et qu’elle aurait bénéficié d’un arrangement de la municipalité de Tourville pour faire un faux acte de naissance ? Henri Troyat, dans sa biographie de Maupassant, semble élucider l’énigme en citant des documents d’archives qui accréditent la thèse de la naissance de Guy dans le château de Miromesnil, alors loué par la famille car, pour Laure, il était primordial que son fils voit le jour dans une maison de son rang.
Toujours est-il que Gustave, pour se distraire, fut un mari infidèle et que les époux vont se séparer à l’amiable après tout de même 14 années de vie commune, de disputes en réconciliations. Guy, qui n’avait alors que 10 ans, prit le parti de sa mère et conservera des relations distantes mais courtoises avec son père.
De cette enfance agitée, le lecteur retrouve les échos dans l’oeuvre de l’écrivain où ce sont souvent les mêmes thèmes qui reviennent : le mystère de la naissance, la famille qui se désagrège, l’amour malheureux, la difficulté de la communication entre les êtres, ou encore l’obsession de la figure du père qui s’exprime à travers son absence, son insignifiance ou sa dénégation.
Sources :
Henri Troyat, Maupassant, Paris, Flammarion, Grandes Biographies, 1989.
Pierre Danger, Le Père défait, in Le Magazine littéraire, numéro 310, pages 54-57, mai 1993.
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