Jusqu’au VIIIe siècle, on se contentait de « purifier » le métal, souvent lors de la coulée, afin d’en écarter les mauvais esprits et les démons. La cérémonie était assez succincte et brève. Elle manquait sûrement de faste dans une chrétienté en pleine ascension. On décida donc d’adopter d’autres usages, plus proches de ceux qui étaient mis en œuvre pour une église. Le prêtre bénissait alors la cloche, la frottait d’huile et faisait brûler de l’encens.
Ce n’est qu’au XIe et XIIe siècles que la cérémonie s’étoffa. On peut vraiment dire qu’à cette époque, il s’agissait d’un baptême, bien qu’en réalité il ne s’agisse que d’une bénédiction. Les cloches – comme plus tard les géants du Nord ou de Belgique – étaient assimilées à des personnes. Dans l’inconscient collectif, il s’agissait bien de membres de la communauté qui agissaient comme des « rassembleurs », des demi-dieux en quelque sorte. A ce titre, les cloches se voyaient attribuer un prénom, un parrain et une marraine, un vrai baptême à l’image des humains et même un acte dressé dans les registres paroissiaux en bonne et due forme. Le mimétisme est à tel point complet que les cloches étaient « habillées » de linges blancs, et c’est encore le cas aujourd’hui.
Un ouvrage de l’abbé Dubois, curé de Saint Benoît-Labre, daté de 1920 et intitulé « Cérémonial de la bénédiction des cloches », nous éclaire sur le déroulement de la cérémonie. En voici quelques extraits :
Déroulement de la cérémonie :
La bénédiction des cloches est réservée à l'évêque, mais celui-ci peut déléguer un simple prêtre. Pour la bénédiction, on suspend les cloches sur une charpente provisoire, le bord à environ un mètre du sol et de manière à ce qu'on puisse aller tout autour et les toucher à l'intérieur et à l'extérieur. Tout après on dispose :
— un fauteuil pour l'officiant et des sièges pour les autres ecclésiastiques.
— une table recouverte d'une nappe blanche sur laquelle on met un bénitier plein d'eau et un petit vase avec du sel, des éponges pour laver les cloches et des linges pour les essuyer, l'huile des infirmes et le Saint Chrême, de la ouate pour essuyer les onctions, de la mie de pain et une serviette pour purifier les doigts de l'officiant, de l'encens ou d'autres parfums.
L'officiant est paré. On se rend processionnellement au lieu de la bénédiction : en tête, le thuriféraire avec l'encensoir, puis le porte-croix et les acolytes suivent. Les prêtres suivent deux à deux, vient ensuite l'officiant ayant à ses côtés le diacre et le sous-diacre en dalmatiques blanches et sans manipules. A l'arrivée, près des cloches, les acolytes déposent sur la table leurs chandeliers avec leurs cierges allumés. Tous se rendent à leur siège et l'officiant, debout, commence Le Miserere. Puis il s'assied ainsi que le clergé et psalmodie.
L'officiant se lève ensuite et fait « l'exorcisme » des cloches, en les bénissant avec le sel et l'eau. Il lave ensuite chaque cloche avec l'eau bénite puis les essuie.
L'officiant fait, avec l'huile des infirmes un signe de croix sur chaque cloche et dit : « ... nous vous en conjurons Seigneur, faites que cette cloche préparée pour votre église soit sanctifiée par l'Esprit Saint pour qu'elle puisse inviter vos fidèles à la récompense. Lorsque son harmonieuse voix frappera l'oreille de votre peuple, qu'elle augmente dans son cœur la dévotion et la foi, qu'elle repousse la grêle, les orages et les tempêtes, qu'elle écarte le malheur de la foudre, qu'elle tempère la violence des vents, qu'elle écrase par la puissance de votre bras toutes les puissances de l'air. » Après avoir essuyé l'onction, l'officiant entonne l'antienne Vox Domini et aussitôt il fait avec l'huile des infirmes 7 onctions en forme de croix à l'extérieur de chaque cloche et 4 à l'intérieur avec le Saint Chrême à égale distance l'une de l'autre en disant à chaque onction : « Daignez seigneur sacrifier et consacrer cette cloche... »
Pendant ce temps, le chœur continue le Vox Domini et chante des psaumes.
« L'officiant bénit l'encens, puis on place un encensoir sous chaque cloche, afin qu'elle en reçoive la fumée en dedans. L'encens est alors béni, le diacre reçoit le missel, demande la bénédiction à l'ordinaire et chante l'Evangile. L'officiant baise le livre, est encensé par le diacre, fait sous la cloche un signe de croix et l'on se retire à la sacristie. Il est d'usage qu'après l'Evangile, l'officiant tire trois fois le battant de chaque cloche et invite le parrain et la marraine à faire de même ».
D'après un article de la revue Plein-Nord numéro 147 (1988)
écrit par Chantal GUILBERT - Société Historique de Sainghin en Weppes
Pour en savoir plus :
Le site de la Société Française de Campanologie
Le baptême des cloches à Wintzenheim en 1949
Bonjour Jean-Louis,
Pour illustrer ce qui précède,
deux exemples de baptêmes de cloches sur le site Racines Ardéchoises.
Amicalement
Frédérique Imbert
http://www.racinesardechoises.org
Rédigé par : Frédérique Imbert | 13 avril 2007 à 09:43
N'imaginez pas forcément des parrains et marraines enjoués pour ces baptêmes de cloches.
4 cloches sont baptisées à St Quentin(23)en 1873. Pour deux d'entre elles, les parrains sont ceux qui ont le plus contribué financièrement à l'achat de la cloche (on pouvait s'en douter), les marraines, sont des personnes décédées!
Le décès n'est bien-sûr pas indiqué sur le baptême, mais sur le registre paroissial qui explique le financement des cloches :
Mr Ginier( parrain) a donné 500F moyennant une rente perpétuelle de 4 messes pour sa fille Berthe Ginier (marraine)
Léobon Pataux (parrain) a donné 199F en souvenir de Marie Verrier (marraine) sa defunte mère.
Rédigé par : Serge Bouvart | 23 novembre 2007 à 15:30