L'identification des maisons à Paris par un numéro date de la fin du XVIIIe siècle. On ne donnait avant que le nom de la rue pour repérer une maison, et éventuellement sa position dans la rue (« au milieu de la rue », « première porte cochère à droite », « maison faisant l'angle »…).
Dans les actes où la maison doit être localisée plus précisément, on indique le nom des propriétaires voisins. En 1734 par exemple, une déclaration au terrier situe deux maisons de la rue des Marais (actuelle rue Visconti) ainsi : « tenant lesdites deux maisons d'un coté au jardin des ayants cause de Mr le président de Luçon, d'autre au sieur Cazin Me maçon, par derrière au jardin de Madame Lamy et par devant sur ladite rue des Marais »1.
Le tout premier numérotage date du début du XVIIIe siècle2 et ne concernait que les maisons des faubourgs, au delà des actuels boulevards. Quelques décennies plus tard, l'idée d'utiliser le numérotage a progressé et l'on songe à l'étendre à la ville entière.
Le besoin de numéroter les maisons est notamment relayé par les éditeurs d’almanachs (l’annuaires de l’époque) afin de mieux localiser les personnes qui y sont listées. En 1778, par exemple, l'almanach édité par la Veuve Mangeot tente de localiser les maisons en donnant le numéro « des lanternes les plus proches de la personne dénommée », et, faisant allusion aux faubourgs où les maisons sont numérotées, ajoute qu'il « serait à souhaiter qu'elles le fussent toutes » pour le reste de Paris.
En 1779, un nommé Marin Kreenfelt de Storcks, « chargé d'affaires de l'Electeur de Cologne »3 et simple particulier, prend l'initiative personnelle de numéroter les maisons avec l'autorisation tacite de l'administration, pour faire comprendre aux habitants de Paris ainsi qu'aux étrangers l'intérêt d'identifier les maisons de la sorte. Il lance donc à l'assaut de la capitale plusieurs commis qui peindront un numéro sur les façades au dessus et à coté de chaque porte.
Ce numérotage, dit « numérotage Royal » apparaît dans l'almanach de Watin daté de 17884, bien connu des historiens topographes. L'almanach cite pour chaque rue de Paris les habitants les plus notables en utilisant les numéros de Kreenfelt pour identifier les maisons. Cependant, pour certaines rues, le Watin donne des numéros tellement fantaisistes qu'on les croirait tirés au hasard.
Plusieurs auteurs ont semble-t-il constaté ailleurs des inexactitudes similaires, au point que Dumolin, cité par Jeanne Pronteau, estime que ce numérotage est en grande partie fictif et serait « une invention de l'auteur »2. Les almanachs édités par Lesclapart3, consultés à la BHVP, donnent en revanche les bons numéros. Les numéros Royaux apparaissent ponctuellement dans quelques documents d’archives, et peuvent permettre de reconstituer le numérotage des maisons pour une rue donnée.
Jeanne Pronteau note que « conformément aux explications données par Watin, le numérotage était effectué, dans chaque rue, en commençant à gauche par le n°1 et en affectant successivement toutes les portes des maisons jusqu'à l'extrémité de la rue ; il était poursuivi, en retour, sur le coté droit de la voie, jusqu'à ce que l'on se retrouvât en face du n°1 (...). On avait donc un numérotage (...) fait par portes et non par maisons »2. Pour certaines rues, ces principes ne se vérifient pas, voire, sont inversés.
Toujours est-il que, bien qu'officieuse et solitaire, l'initiative de Kreenfelt a été finalement adoptée par les parisiens qui ont été convaincus de son utilité. Pourtant, après 1789, un nouveau système, le « numérotage officiel révolutionnaire », est imposé par décret de l'Assemblée constituante du 23 novembre 1790 dans le but de recenser les propriétés soumises à l'impôt.
Ce système est basé sur l'utilisation d'une seule série numérique par « section », de la taille d'un demi arrondissement actuel. Les maisons étaient numérotées à la peinture, du numéro 1 jusqu'à la dernière maison de la section2 et des immeubles de la section portaient des numéros supérieurs à 15005 !
Le système de numérotage révolutionnaire totalement inadapté et malcommode (la rue Saint-Denis avait 5 maisons portant le numéro 1 !) fut décrié tant et si bien qu'un nouveau projet de numérotation fut lancé vers 1800 et abouti en 18052.
Par décret du 4 février 1805, le gouvernement jette les bases du système moderne et établit les principes encore aujourd'hui en vigueur. Ces principes sont2 :
• Une seule série numérique par rue,
• Un seul numéro par maison : si la maison a plusieurs portes sur la même rue, elles auront toutes le même numéro,
• Séparation des numéros pairs (à droite) et impairs (à gauche),
• Numérotation dans le sens amont aval de la Seine pour les rues parallèles au fleuve et commençant du plus proche de la Seine vers le plus éloigné pour les rues perpendiculaires au fleuve.
Les numéros étaient peints en noirs et étaient destinés à tenir 3 ans, leur entretien était à la charge du propriétaire.
L'ensemble du numérotage est revu entre 1847 et 1851 d'une part parce que les numéros étaient devenus illisibles et de présentation disparate, d'autre part pour prendre en compte les nombreux lotissements de parcelles. A cette occasion, la présentation du numéro est standardisée : toutes les plaques sont réalisées par l'entreprise Fouque et Arnoux et sont en porcelaine cuite avec chiffres blancs sur fond bleu azur, le tout incrusté dans un bain de plâtre et scellé sur les façades à l'aide de crampons de bronze2. Quelques plaques de cette époque sont encore visibles aujourd’hui.
Références :
1. Archives Nationales, S2837
2. Jeanne Pronteau, Numérotage des maisons de Paris, 1966.
3. BHVP, Almanachs Leclapart, 1789 (cote 903 131) et 1791 (cote Z198) ; les références précédentes ne donnent pas de numéro.
4. Watin, Etat actuel de Paris, Quartier Saint Germain, 1788
5. Notes du Dr Poumiès de la Siboutie, Archives privées.
Note rédigée par Baptiste Essevaz-Roulet
Carte postale « Cité de Paris » : Ancarpost
pour compléter le sujet des rues on peut ajouter :
les noms des rues
http://geneablog.typepad.fr/geneablog/2007/08/historique-des-.html
l'éclairage des rues
http://geneablog.typepad.fr/geneablog/2007/03/lhistorique_de_.html
Rédigé par : France A. | 20 décembre 2007 à 14:13