En lisant cette communication au sujet d’un colloque sur ce thème de l’histoire de la parenté, on se rend compte combien son statut et son organisation semblent en pleine mutation.
« Le système de filiation européen, où le droit semblait redoubler la biologie, engageait de fait des choix culturels et politiques que les évolutions familiales récentes viennent bousculer : avec les changements dans le statut des femmes, la part croissante de la volonté individuelle dans la construction de la parenté, l'évolution de la législation et des technologies, on voit émerger dans les familles monoparentales, recomposées, homoparentales ou transparentales, d'autres figures de la parenté et de la parentalité qui déstabilisent le modèle généalogique traditionnel ainsi que les rapports sociaux de sexe.
Plus que jamais, avec la dissociation entre alliance, filiation et reproduction, on prend conscience que, tout comme les rôles féminins et masculins, la maternité et la paternité ne sont pas des données immédiates du corps géniteur, elles sont des catégories historicisables, que nous devons interroger à l'aune des rapports de genre, de classe, ainsi que des rapports coloniaux et post-coloniaux. » (Site Calenda)
Si l’on se retourne vers la société dans le passé, l’organisation familiale et sociale est un sujet intéressant. Les stratégies de nos ancêtres pour trouver des schémas de fonctionnement avantageux nous semblent étranges. Pour notre époque d’individualisme quasi général, leur manière de penser en priorité en termes de communauté est insolite.
Parmi les divers cas on peut évoquer en particulier les unions consanguines dans les populations villageoises, les communautés taisibles et leurs parsonniers et le renchaînement d’alliance.
«Dès que l'ethnologue se donne les moyens de saisir dans leur subtilité les usages sociaux de la parenté - en combinant, comme fait Bensa, l'analyse linguistique des toponymes, l'analyse économique de la circulation des terres, l'interrogation méthodique sur les stratégies politiques les plus quotidiennes, etc. -, il découvre que les mariages sont des opérations complexes, engageant des foules de paramètres que l'abstraction généalogique, qui réduit tout à la relation de parenté, écarte sans même le savoir. » (Entretien Pierre Bourdieu et Pierre Lamaison).
Le renchaînement d’alliance ou mariage dans la famille affine (par alliance et non famille consanguine) s’est largement pratiqué dans les sociétés rurales. Par exemple par le mariage des enfants d’un premier lit de veuve et veuf remariés ensemble. Donc lignées distinctes à l’origine. Le renchaînement peut se reproduire sur de nombreuses générations.
Les mariages consanguins se rencontrent également fort nombreux dès que les interdits sont ramenés du 7è degré au 4è degré au concile de Latran en 1215. Il existe en plus la possibilité de demander des dispenses pour les 3è et 4è degrés.
Dans les vallées vosgiennes par exemple, dans le Nord Alsace comme dans bien d’autres campagnes, ces unions voient des mariages tisser des liens entre un nombre réduit de familles. Il faut se souvenir pour l’Alsace par exemple que de nombreux villages sont presque dépeuplés. A Lampertsloch(67) on compte onze familles. Après 250 ans on peut dire « tous cousins ». L’homogamie, recherche de se marier dans son milieu social, et l’endogamie, choisir son conjoint au sein de sa communauté et non à l’extérieur sont des constantes souvent observées.
Les communautés taisibles sont très particulières. On pourrait presque dire par rapport aux deux cas précédents que le renfermement dans une communauté est poussé à l’extrême :
"Frères ou sœurs, ou autres demeurans ensemble, vivans à mêmes dépens, ne sont pourtant réputés avoir contracté entr’eux communauté. Toutesfois si avec lad. habitation, demeurance, et dépense commune, y avoit communication de gains, profits et pertes, par an et jour, entre personnes capables à contracter société, par ce seroit induite taisible société entr’eux, quant à la communication des meubles, et conquests faits et acquis durant et constant lad. taisible société." (Coutume de Berry. Titre VIII Art. 10 De la communauté taisible.)
«La communauté taisible est en fait la réunion sous un même toit d’un groupe de personnes unies par les liens du sang ou par alliance, vivant en commun au même pot et au même feu, et exploitant en commun un patrimoine indivis transmis intégralement de génération en génération. Ses éléments constitutifs sont la mise en commun de la propriété, du travail et de la vie.
Il existe 2 sortes de communautés ou société taisibles, l’expresse et la tacite. L’expresse se contracte par convention expresse, par contrat, en présence de notaire et de témoins. La tacite se contracte par voie de fait, comme par mélange de biens, sans convention, car il n’importe pas que les hommes déclarent leur volonté par paroles ou par faits et actions... La communauté taisible est à l’origine du hameau, habitat groupé ou dispersé. (D. Jeanson) »
Ces communautés agricoles frérèches ou associations de parsonniers, comparsonniers, ont existé un peu partout en France sous l'ancien régime.
A leur tête il y avait un maître qui avait l’autorité sur la communauté et une maîtresse qui gouvernait ce qui concernait les femmes, enfants et les tâches leur incombant.
Toutes ces stratégies mises en œuvre dans ces sociétés rurales avaient en général la volonté de la préservation de la communauté villageoise et par famille la sauvegarde des biens, des terres et du statut.
Pour en savoir plus :
§ Geneapass : liens sur la parenté :
§ Colloque : Organisé par la BPI le 9 et 10 novembre 2007 - Centre Pompidou - Paris 4eme
Illustrations : Ancarpost
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