Un vieil homme se souvient, dans sa petite maison de Melbourne, en Australie. Le magazine "Sept à huit" racontait son destin singulier dimanche 2 décembre sur TF1. C'est un petit garçon juif qui avait 6 ans lorsque les Allemands sont entrés en 1941 dans son village, en Biélorussie (Le Monde du 20 novembre). "Ils ont rassemblé tous les hommes et les ont exécutés sur la place. Ma mère m'a dit : "Ton père a été fusillé." Ensuite, elle m'a pris dans ses bras et m'a dit : "Demain, nous allons tous mourir"", se rappelle-t-il. Mais il parvient à s'enfuir. Du haut d'une colline, il voit ses oncles et tantes, sa mère, son frère et sa soeur allongés morts sur le sol. Le massacre dure une journée entière.
Le petit garçon erre ensuite pendant un mois dans la forêt, mendiant du pain aux villageois et détroussant des cadavres pour s'habiller. Il est finalement arrêté par un régiment SS lituanien. Un soldat le prend en pitié, peut-être parce qu'avec ses cheveux blonds il ressemble à un petit Lituanien. Il lui demande de ne révéler à personne qu'il est juif. Il devient la mascotte du régiment, figure dans des films de propagande où on le voit souriant ou faisant le salut nazi. Il cire les chaussures des soldats, leur porte à boire, va chercher pour eux des fraises sauvages dans les bois.
Une photo de lui dans son petit uniforme de l'armée allemande est tout ce qui lui reste de ce passé. Il se lave à l'écart des autres pour ne pas montrer qu'il est circoncis. A chaque instant, il craint que la vérité ne soit révélée. "A cette époque, je ne pouvais pas aller me coucher sans pleurer", dit-il. "Je n'ai pas été à l'école. Je n'ai pas eu de famille. Je n'ai pas eu d'enfance", dit-il encore. À la fin de la guerre, le soldat qui l'avait recueilli le confie à une famille lituanienne. A 15 ans, il émigre en Australie, où il se marie et a trois enfants. Pendant des années, il dit seulement qu'il est orphelin.
Et puis, tard dans sa vie, il décide de raconter son histoire à son fils aîné. "J'ai toujours eu envie de retourner en Biélorussie pour déposer des fleurs sur la tombe de ma mère. Mais je ne savais pas où était cette tombe. Je ne connaissais même pas mon nom de famille. Je me souvenais seulement du nom de mon village", dit-il. Quand il fait enfin le voyage, c'est pour découvrir que son vrai nom est Ilya Galperin et que son père n'a pas été exécuté comme il le pensait, mais envoyé à Auschwitz puis à Dachau, d'où il est revenu dans son village. Il s'est remarié, a eu un autre fils. Son demi-frère lui raconte que son père a fleuri, chaque dimanche, la tombe où il le pensait enterré avec sa mère et les autres membres de sa famille. Il est mort en 1974. "Il ne savait pas que j'avais survécu, et je ne savais pas qu'il avait survécu", dit-il, les larmes aux yeux.
Sources:
§ Le Monde : Article de presse
§ TF1 : Vidéo de l'article
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