Une étude sur l'évolution génétique de la bactérie responsable de la syphilis accrédite la thèse d'un agent infectieux rapporté d'Amérique en Europe par les expéditions de Christophe Colomb. Une équipe américano-anglo-canadienne a publié, lundi 14 janvier, sur le site de la revue en ligne PLoS Neglected Tropical Diseases, un article qui tend à trancher dans ce sens une controverse vieille de cinq cents ans.
La première épidémie connue de syphilis est survenue en 1495, alors que Charles VIII assiégeait Naples. Une fois rentrés dans leurs pays, les mercenaires étrangers qui servaient dans les troupes du roi de France disséminèrent la maladie. La survenue d'une telle épidémie, trois ans seulement après la découverte de l'Amérique, a fait naître l'hypothèse d'une maladie rapportée du Nouveau Monde par les marins au service du roi d'Espagne, d'autant que des cas de syphilis ont été décrits parmi eux. Mais d'autres théories ont suggéré la trajectoire inverse, partant de l'idée qu'avant l'épidémie de 1495 la syphilis avait pu être confondue en Europe avec d'autres maladies.
La syphilis est une infection sexuellement transmissible due à une bactérie, le tréponème pâle (Treponema pallidum). Tous les tréponèmes ne sont pas pathogènes pour l'homme. Certaines sous-espèces sont responsables, en zone tropicale, de maladies cutanées à transmission non sexuelle : le pian, la pinta et le bejel. Transmis par contact cutané dans l'enfance, le pian sévit en Amérique, en Afrique, en Océanie. Comme les caractéristiques antigéniques du tréponème pâle sont proches de celles du Treponema pertenue, agent du pian, il existe une immunité croisée entre les deux maladies : le fait d'avoir l'une immunise contre l'autre.
Ces constatations étayent la thèse d'une évolution de la bactérie sur ce continent vers le tréponème pâle. L'équipage de Christophe Colomb aurait rapporté l'agent infectieux, ou tout au moins une sous-espèce de tréponème responsable du pian, qui aurait ensuite évolué vers la forme du tréponème pâle, dans les conditions environnementales différentes de celles de l'Amérique tropicale.
Cette théorie est cohérente avec le fait que des scientifiques ont pu établir l'existence d'infections à tréponèmes dans le Nouveau Monde il y a sept mille ans, à une époque où ni l'Europe ni l'Afrique ne les connaissaient. Cependant, l'étude comporte des limites. Comme le font remarquer, dans un commentaire accompagnant l'article, trois autres chercheurs américains, elle n'a porté que sur un petit nombre de variations génétiques.
Sources :
§ Le Monde : Article de presse
§ Radio-Canada : Article de presse
Commentaires