Aimé Césaire s'en est allé rejoindre son ami Léopold Sédar Senghor. Ils pourront reprendre le dialogue entre le nègre français le plus africain par le coeur et le nègre africain le plus français par sa culture.
Aimé Césaire a été un nom familier parmi nos proches, ils se connaissaient. Oncles et tantes Tardon ont rejoint la métropole à la même époque pour faire leurs études supérieures à la Sorbonne et en faculté. Les étudiants martiniquais se retrouvaient et échangeaient leurs idées.
Plus tard, après la guerre, l'homme politique Césaire avait envisagé de transformer notre plantation/Habitation familiale "Anse Couleuvre" dans le Nord de l'île de la Martinique en léproserie... étonnant projet, heureusement demeuré projet ! clic ici-> (* En 1939, on recense à la Martinique quelques centaines de lépreux, le Dr E. Montestruc (1900-1970) en 1953 réorganise la lutte...)
Il y avait eu une série d'entretiens la nuit sur France culture en 1976. Échanges passionnants où entre deux poèmes, il déroulait sa vie. Ses souvenirs, concernant sa famille et en particulier sa mère, m'avaient émue. J'avais alors pu enregistrer ces émissions. (Ces entretiens seront rediffusés du 9 au 13 juin dans "A voix nue")
A la question "Qu’est-ce que c’est la mort? "
il répondait au poète mauricien Edouard J. Maunick :
"Ah ! C’est un petit problème. Eh bien c’est une chose à laquelle je ne pense pas, mais en même temps qui me hante, c’est évident. Elle terrifie ma raison. Non il faut distinguer! D’abord il y a une chose. Il y a d’abord la mort des autres. Et hélas, dans ma vie, je commence à voir les rangs s’éclaircir. Beaucoup de morts autour de moi et depuis quelques temps. Et là on ne s’y fait pas. Encore que pour certains êtres disparus, ça je crois très fortement comme Birago Diop, les morts sont là.
(écouter le poème de Birago Diop "les souffles" X)
Ils ne sont pas morts
Ils sont dans la maison. Et même d’un geste familier je sais qu’ils sont là...
Mais moi la mort ça me paraît épouvantable, ça me paraît terrible, mais je crois que je saurais mourir finalement. ..
...Je m’aperçois qu’en réalité peut-être que ma philosophie de la mort vient du culte, du vieux culte païen que j’ai de l’arbre. Car je suis très végétal...
Et je m’aperçois qu’en réalité, c'est pas un objet d’ornement pour moi, c’est autre chose parce que ça représente une conception de la vie, une vie, une mort, la germination de la mort, les saisons..." (5ème entretien)
Cet homme, tout à la fois poète et politique aura connu un destin remarquable.
Aimé Césaire, dans « cahier d'un retour au pays natal » (1939) prit le nègre déchu jusque dans son nom et lui forgea dans un cri de colère une nouvelle dignité qui s'exprima dans "la Négritude". (extrait: Ma négritude, Aimé Césaire "Cahier du retour au pays natal") :
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« Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole
ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité
ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel mais ceux sans qui la
terre ne serait pas la terre
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ma négritude n'est pas une taie d'eau morte sur l'oeil mort de la terre
ma négritude n'est ni une tour ni une cathédrale
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elle plonge dans la chair rouge du sol
elle plonge dans la chair ardente du ciel
elle troue l'accablement opaque de sa droite patience... »
Extrait d'une émission sur RFO : Entretien avec JEAN ALBANY (poète, juriste,... réunionais) paru dans le "NOUVEAU PROGRESSISTE" (1975, La Réunion) :
JA : Césaire est bien au-dessus et son cas est exceptionnel. C’est un poète génial et un remarquable dramaturge dans son "Roi Christophe..." Peut-être les Antillais sont-ils en avance sur nous car il y a davantage de contacts de civilisation avec les Amériques toutes proches, avec la France qui n’est qu’à 6000 km. Il y a aussi la rencontre en Césaire des influences africaines et françaises. Césaire est avec L.S. Senghor l’un des "inventeurs" de la négritude. Ils ont, les premiers, pris conscience et fierté de leur couleur, de leur richesse, de leur dignité d’homme. A propos de dignité retrouvée permettez-moi de vous citer une anecdote : un de mes amis antillais, maintenant décédé, le poète Raphaël Tardon était en compagnie de Senghor, alors chargé avec d’autres de rédiger la Constitution Française. Ce jour-là, ils entrent vers midi [à Paris], dans une boucherie pour acheter de la viande et le boucher paternaliste adresse à Senghor la parole en petit nègre : "Toi manger bonne viande ?" "Oui, répondit Senghor, moi manger bonne viande... pour faire Constitution Française".
NP : Certains Antillais ont donc retrouvé leur dignité et des sources d’inspiration.
Pour en savoir plus :
§ Serge Bilé : « Aimé Césaire parle de son enfance sur une habitation d'esclaves ».
§ Wikipedia : Aimé Césaire, biographie.
§ RFO : Articles, dossiers sur Aimé Césaire.
§ RFO : Diffusera en direct les obsèques nationales d'Aimé Césaire, dimanche 20 avril à 21h (heure de métropole). Cette édition spéciale sera illustrée par de nombreux reportages (à suivre sur ce lien).
§ France 3 : La chaîne diffusera samedi 19 avril à 23h15 « Cahier d'un retour au pays », pièce adaptée de l'œuvre de Césaire par Jacques Martial.
§ France 5 : Rediffusion dimanche 20 avril à 9h45 du magazine Empreintes, intitulé « Aimé Césaire, un nègre fondamental ».
§ Wikipedia : Cahier d'un retour au pays natal.
§ (*) Asnom : En 1939, on recense à la Martinique quelques centaines de lépreux, le Dr E. Montestruc (1900-1970) en 1953 réorganise la lutte...
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