En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
Je suis parti en février 1976, le coeur léger, avec l'impression de partir pour quelques temps pas définis, un peu insouciant ; je voyais la ville et les gens comme si j'étais étranger.
Le sac et la pochette pour les papiers importants furent vite préparés. J'emportais des trucs incroyables pour l'Afrique Noire ! Un manteau, deux gros pulls, un bonnet, une cagoule, des maillots de corps, alors qu'à Ouagadougou il fait au moins 35° à l'ombre !
Je commence l'auto-stop à Nancy vers dix heures du matin et décolle à midi. Je suis à Avignon vers vingt-deux heures, et à Salon de Provence vers trois heures du matin, après 15 km à pied sous la pluie. Pour dormir, je n'ose pas réveiller mes amis à cette heure matinale, alors une maison en construction fera l'affaire et je m'y endors malgré le froid. Le matin, ce sont les ouvriers qui me réveilleront.
Vers huit heures, je me pointe chez mes amis, ce qui réveillera juste à temps leurs deux filles pour la classe ! L'ambiance est bonne, j'apprécie de manger un bon repas dans la joie.
Mes amis en profitent pour me faire une bonne coupe de cheveux ! Et la douche n'est pas superflue !
Je visite Salon de Provence et m'y sens bien, pourquoi continuer le voyage ?
C'est si agréable ! J'y ai séjourné du 13 au 16 février. J'ai vraiment senti l'angoisse du départ à Salon de Provence.
En auto-stop, il me fallut une journée pour arriver à Menton. Le lendemain matin : départ en train à neuf heures depuis Menton pour Palerme (85 fr) L'escale à Rome est à vingt-trois heures. C'est fort long mais le paysage est magnifique ! Je voyage avec une Italienne, de Menton à Gènes, elle est très sympathique, ça fait passer le temps. Bref, c'est dans une cohue indescriptible que j'arrive à Rome. La ville est jolie, les Italiennes aussi!
A la gare, un Italien m'aborde et, avec force geste, me fait comprendre qu'il pourrait me trouver un endroit pour dormir ! L'hôtel est sordide, tenu par une Mama sortie tout droit du dernier "FELLINI". Je devais y rester trois jours.
Je me goinfre de pizzas et de spaghetti en attendant le train de dix-sept heure pour Palerme. La crise italienne apparaît à travers les tracts et les affiches. J'ai peu de contact avec les gens. Après une nuit de train, nous sommes en Sicile.
La Sicile est une petite merveille de beauté : je me remplis les yeux de tant et tant de jolies choses qu'il n'y aura jamais assez de place pour les autres qui vont suivre !
Imaginez un lever de soleil sur les multiples criques de la côte nord de la Sicile : ça vous dit quelque chose ? Avec les rochers entourés de leurs remuantes compagnes blanches, l'eau bleue, les orangers, les figuiers, les palmiers, les oliviers, les pins, le tout avec une bonne dose de ciel bleu, servir bien frais !
J'arrive à Palerme, que je n'ai pas visité, car, c'est vrai, j'ai peur de me faire trucider par quelque mafieu ou voyou. Aussi, sans tarder, je vais faire du stop vers Trapani pour prendre le bateau en direction de Tunis. C'est peut être la seule fois où j'ai ressenti la peur dans un endroit précis.
A Palerme, des ouvriers travaillant sur la route me font arrêter un camion pour Trapani et obligent le chauffeur à me prendre !
Ce chauffeur accepte de bon coeur et m'offre un café et un gros sandwich. Trapani est très joli et je flâne jusqu'au 24 février. Il s'en est fallu de peu que le séjour soit prolongé, car au moment de changer quelques chèques de voyage, les cours de la Lire étaient suspendus et toutes les banques étaient fermées ! (Pour mémoire, la Lire Italienne valait: 1000 L pour 5 Fr) Impossible de payer l'hôtel, le bateau. Finalement, tout est rentré dans l'ordre. Trapani est très agréable, mais je m'y ennuie comme un rat mort.
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