En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
GHARDAIA
J'arrive à Ghardaïa : magnifique vallée et oasis, avec les Mozabites, habitants de la vallée du M'zab, fondamentalistes musulmans où les femmes sont si voilées qu'on voit à peine l'unique œil resté libre qui leur permet de se diriger dans la rue. Tout ceci n'empêche pas l’existence de la florissante maison de passe de Ghardaïa, en pleine vieille ville, avec prix affichés à l’extérieur, comme un restaurant afficherait ses menus.
A Ghardaïa, j'ai fait connaissance avec un garçon de café (hum ! Les bons thés et cafés gratis) qui m'a logé chez lui trois ou quatre nuits. Je profite de ces quelques jours pour faire quelques courses et visites de la ville. C'est à Ghardaïa que je m’achète un chèche noir pour la tête en prévision de la traversée du désert du Sahara. De magnifiques plateaux entourent la ville. Le soleil couchant est splendide : les rayons de soleil renvoient des couleurs aux belles teintes rose, rouge, orange, jaune, bleu. La terre et les rochers ocre, le blanc des maisons, tout le paysage glissait vers le rose, même la couleur bleu foncé du goudron était de la fête et contribuait à la beauté du paysage.
Sur les plateaux au sud de Ghardaïa, les Algériens construisent des bâtiments industriels. Le personnel qui viendra travailler aura des difficultés d'intégration car les Mozabites sont intégristes et très refermés sur eux-mêmes. En aucun cas, un Mozabite ira en usine. Un Algérien du nord se sent étranger à Ghardaïa et il ne comprend pas la langue des Mozabites.
Des Algériens me parlaient de racisme, même entre les habitants de deux villes voisines. Un gars de Constantine est étranger à Alger, et ne comprend pas la langue. De même entre Tebessa et Constantine, Oran et Alger. Un Algérien doit savoir le Français s'il veut voyager à travers son pays. (Ce voyage m'aura montré que le racisme est une des choses les mieux partagées dans le monde...hélas)
A Ghardaïa, j'ai eu l'occasion d'assister à une pluie dans le désert : ça ressemble davantage à un torrent venu du ciel qu'à un pipi d'oiseau égaré. En avant première : un vaste coup de vent puissant balaie toute la poussière, les étalages des commerçants, toutes les bassines, bidons de ferraille traînant par terre, ainsi que le linge qui sèche aux fenêtres. Un bon coup de torchon. Après cinq minutes de vent, le bleu du ciel a fait place au gris noir et le vent se calme : Sa Majesté la Pluie peut maintenant, dans toute sa splendeur, nous rafraîchir : une pluie dense, drue, chaude imposante. Malgré tout, les habitants se laissent surprendre : la moitié de la population est dehors et se fait (ou se laisse) tremper et c'est l'affolement en ville. Toute la cité court, des petits orchestres se forment sur les plateaux des 404 débâchées, jouant sous la pluie. D'autres se lavent...
Quant à moi, je me suis réfugié dans un café bondé, prenant thé sur thé, écoutant la musique du pays qui tend vers l'éternité, qui abolit la montre.
Ghardaïa, en Février, est très agréable : peu de voitures et... de touristes. Les quelques touristes de passage sont en route pour "Tam". C'est donc assez facile de repérer en ville, des Land-Rover ou autre 4 x 4 équipés pour le désert. Pour trouver une place, il faut parfois chercher deux à trois semaines car les voitures sont pleines. Je peux aussi me rabattre sur le car tout terrain hebdomadaire connu dans toute l'Algérie. Connu, oui, car c'est un exploit humain et technique que de maintenir un aller et retour Alger Tam par semaine, vu l'état de la piste. En effet quand le goudron se sera étiré jusqu'à Tamanrasset, l'aventure sera terminée. Je renonce au car, préférant prendre mon temps, en voiture, avec des touristes.
Au bout d'une semaine, c'est trouvé : il s'agit de trois Français conduisant chacun une 404 ; une berline et deux familiales. Elles sont bourrées de pièces de rechange, de pneus. Il y a aussi suffisamment d'eau pour tous (car je n'ai pas une seule goutte d'eau sur moi, ce qui est très déconseillé pour traverser un désert !) Les conducteurs ont l'air de bien connaître la mécanique, d'être sérieux, c'est OK, j'embarque.
Merci pour cette nième escapade, un vrai baroudeur, vous étiez !
L’arabe maghrébin (arabe du couchant), à l’inverse de l’arabe du moyen-orient (arabe du levant) désigne un ensemble de dialectes arabes plus ou moins homogènes qui sont parlés au Maghreb et en l’occurrence en Algérie. L' Arabe jijelien est différent de l’oranais…etc.
Chacun de ces dialectes chantonnent les influences colonisatrices, françaises, italiennes et espagnoles.
Comme quoi, les colonisés ne sont pas des ingrats …
Bien qu’il y ait de réelles incompréhensions entre algériens, fervents de leur patois respectif, ils se comprennent et au pire la plupart pratique un bon français.
Le racisme dont vous parlez est idéologique…
Pour l’arabe oriental, le berbère est naturellement influencé par l’occident (de par l’histoire, présences romaine et byzantine). Ma grand-mère paternelle avait au milieu du front, une croix dessinée, l’influence chrétienne…
Ce fut en Algérie et durant sa longue période coloniale que cette politique de ségrégation Arabes / Berbères fut élaborée. L’administration coloniale s’attela à isoler les Berbères et plus spécifiquement
ceux de la Kabylie du reste des habitants et en particulier des Arabes. Cette région rassemblant les conditions optimales aux yeux des colonisateurs, fut considérée comme un laboratoire pour les méthodes coloniales.
Le mozabite est effectivement un dialecte berbère parlé dans la vallée du Mzab, dans le Sud algérien et apparenté au kabyle. Et les Mozabites forment une « minorité religieuse ».
Les dialectes sont richesse culturelle !!
Salutations,
Rédigé par : Meriam R | 20 juin 2008 à 19:58
Merci pour vos explications détaillées qui m'éclairent sur le peuple algérien beaucoup plus divers que je ne pensais.
Cordialement
Rédigé par : Benoît Fichet | 25 juin 2008 à 21:31