En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
C) Tamanrasset
Pour les amateurs de ville et de vie bien locale typique du pays, c’est raté : Il y a autant de touristes que d'habitants. (J’exagère un peu, mais à peine) Beaucoup de touristes viennent par avion depuis Gardaïa ou Alger, restent une semaine, font un petit tour et puis s’en vont comme les marionnettes. (Comme çà, ils pourront dire : j’ai fait le désert !)
D’autres, plus courageux, sont venus par la piste, et repartent aussitôt sur Alger, car un mois de vacances, c’est court ! Eux ont la montre, moi, j’ai le temps. D’autres continuent sur Agadez et Niamey au Niger et d’autres font du stop, à la recherche d’un camion nigérien ou algérien ou d’une voiture bondée !
Je quitte mes amis français et me rends au Hamann, bain public où l’on peut dormir (et se laver, ouf !) autant que nécessaire. Ayant quitté Ghardaïa le 29 février, étant arrivé à Tam le 5 mars, c’est beaucoup trop rapide.
En ce qui me concerne Gardaïa-Tam en cinq jours : c’est frustrant ! J’aurai dû m’arrêter à In-Salah ou à El-Goléa ou même à Arak. A deux, il aurait été plus facile de vivre dans ces lieux qui sont, malgré tout, arides et hostiles. Je craignais de m’ennuyer et je n’avais aucune expérience de voyage à l’étranger. C’était la première fois que je sortais seul de France !
Suite à l’expérience faite dans la solitude près de la petite baraque de terre (au changement de piste) au sud d’In-Salah, j’ai très envie d’aller visiter l’Assekrem du Père de Foucault, espérant trouver des réponses aux nouvelles questions qui m’assaillaient à présent. J’espérais aussi retrouver des émotions de re-création originelle. Pour y aller c’était vraiment compliqué : soit louer un 4 x 4, mais n’ayant pas de permis... soit faire du stop à la porte de l’agence de location !
A Tam, il y a beaucoup de Targuis, victimes de la sécheresse : Ils n’ont plus de troupeaux de chèvres, de moutons. Ils vendent leurs armes et des objets en cuir fabriqués à Ingal au Niger. Ce sont des objets spécifiquement targuis. Malgré leur misère extrême, ils savent rester très dignes et fiers.
Tous les jours, le marché sur la place bat son plein : on y trouve des tomates séchées, du tabac, du thé, des carottes, de la viande, de l’artisanat local en cuivre et en cuir ainsi que du tissu, des quantités d’herbes séchées diverses et variées, des épices et du riz qui pousse très bien à Tam.
A la poste restante, j’ai le plaisir de recevoir une lettre de ma sœur , venant du Guatemala.
Pour la nourriture, le p’tit resto nigérien du coin fait merveille ! Il
fait un excellent couscous. Je connais Tam par cœur, c’est charmant
comme tout et j’aimerais bien y retourner avant la défiguration de la
ville, dans deux ou trois ans par des urbanistes algériens qui ont
importé nos méthodes : J’ai peur qu’ils ne respectent pas l’habitat
ancien. En effet, il faut bien se replonger dans le contexte : le Sud
algérien est loin de tout, notamment du pouvoir central ! Le Pouvoir
Algérien cherche donc à montrer qu'il existe. Ca passe
par l’urbanisation. C’est vrai qu’il pense à la sécurité et au
bien-être des habitants, en construisant des maisons en brique et en
ciment et en détruisant les maisons de terre, mais le message
pointe son nez ! Même si on met du crépi rouge, le style général des
constructions est changé ! Cependant, le peu que j’ai vu paraît
encourageant: les nouvelles constructions donnent de bons résultats.
(il parait que le Tam que j'ai connu en 1976 ne ressemble plus du tout à celui de 2008)
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