Par l'actualité, nous restons encore dans l'esclavage et sa mémoire... Joseph Boubacar Ndiaye vient de disparaître il y quelques jours, le vendredi 6 février 2009 à l'âge de 87 ans.
Certains vont se demander, mais qui est ce Joseph Boubacar ? Moins médiatisé que Léopold Sédar Senghor ou Aimé Césaire, ardents défenseurs de la négritude, il n'en est pas moins un personnage mondialement connu pour son rôle de fondateur, conservateur et gardien de la mémoire de la maison des esclaves de l'île de Gorée, au Sénégal.
Des centaines de milliers d'afro-américains, des États-Unis, de la Caraïbe, du Brésil, viennent chaque année visiter l'île de Gorée, un des principaux points de départ de la traite négrière aux XVIIe et XVIIe, pour retrouver leurs racines anciennes. Chacun a donc pu rencontrer ce personnage atypique qui en a été le guide et la mémoire pendant plus de 40 ans.
Démobilisé, il se lance dans le commerce sans grand succès, en 1964 le tout jeune gouvernement du Sénégal lui demande de créer un musée chargé de conserver la mémoire des anciens délocalisés par force, devenus esclaves dans le Nouveau Monde, il assumera cette nouvelle charge de gardien de la mémoire de Gorée, avec conscience et zèle jusqu'à sa mort. C'est grâce à sa détermination que fut restaurée la Maison de Gorée par l'Unesco en 1990, inscrite au patrimoine mondial en 1978.
Plusieurs fois distingué, le vieil homme est fait Officier de l'Ordre national du lion, Chevalier de l'Ordre national du Mérite et Chevalier de l'Ordre du Mérite sénégalais. Il a aussi reçu la Croix de Guerre 1939-1945 pour son engagement militaire pour la France. Son travail de conservateur est également approuvé par plusieurs universités étrangères qui l'ont fait Docteur honoris causa. En 2004, le promoteur du gala de la Reconnaissance, Ndiawar Touré, lui rend un vibrant hommage en le faisant parrain de la manifestation.
On a pu voir le personnage dans de nombreux reportages de télévision sur l'île de Gorée et son musée du souvenir. Inspiré par cette forte personnalité, le réalisateur algérien Rachid Bouchareb en fera le personnage d'Alloune dans Little Sénégal (2001). Également dans le long-métrage du documentaire américain The Healing Passage : Voices from the water de Saundra Sharp, Joseph Boubacar Ndiaye y joue son propre rôle. Il en est de même dans le film suisse Retour à Gorée mettant en scène le chanteur Youssou Ndour.
Grâce à lui également, chefs d'État, monarques et grands hommes de ce monde réservent souvent une journée ou un après-midi pour prendre la chaloupe de Gorée. Parmi ces nombreux visiteurs de marque, figurent plusieurs chefs d'État comme le Sud-Africain Nelson Mandela, l'Américain Bill Clinton, l'Ivoirien Félix Houphouët Boigny, mais aussi le pape Jean-Paul II.
Le vieux sage lègue aux Africains et au monde deux ouvrages : « La Maison des esclaves de Gorée » (1990) et « Il fut un jour à Gorée : l'esclavage raconté à nos enfants » (2006), Michel Lafon. Dans ce livre, l'ancien conservateur de la Maison des esclaves explique aux enfants « la capture des Africains, les marchés où on les vendait comme des animaux, les soutes pestilentielles des bateaux qui les emmenaient en Amérique et notamment aux Antilles, les plantations où ils travaillaient sous la menace du fouet, les récalcitrants ayant le jarret coupé... »
Dans un passé récent, Joseph Ndiaye faisait pudiquement état de sa misère personnelle. Et dans une interview, il disait : « Il est vrai que j'ai reçu tous les honneurs du monde, mais on ne nourrit pas sa famille avec des citations ».
Pour en savoir plus :
§ Afriklive : Article de presse
§ Le Quotidien : Article de presse
§ Le Monde : Article de presse
§ Le Soleil : Article de presse
§ Unesco : Visite virtuelle de la maison des esclaves de Gorée
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