Grace à la persévérance d’un couple normand, Jean et Nicole Brézard, quatre Malgré-Nous assisteront officiellement pour la première fois aux cérémonies commémoratives à Ouistreham en Normandie. (lu dans les DNA du 3/06)
Ce couple œuvre depuis de nombreuses années pour la reconnaissance du drame vécu par les jeunes alsaciens. Ils sont les fondateurs de l’association « Solidarité Normandie aux incorporés de force ». En effet de nombreux normands ont, au péril de leur vie, aidés beaucoup de ces jeunes à s’évader.
-Maurice Stotz, 18 ans, versé dans les Waffen SS attendra le moment propice pour s’enfuir près de Rouen. Les résistants qui le cachèrent lui permettront de rejoindre les FFI. Il servira ensuite sous l’uniforme américain. Il sera décoré de la croix de guerre, de la médaille des évadés et des combattants de la Résistance.
-René Gall enrôlé à 17 ans combattra en Pologne puis sur le front de l’Est. De retour en France près de Nancy, il profitera d’une reconnaissance, seul, pour fuir. Il rejoindra les FFI puis servira dans la 1ere Armée Française. Il sera décoré d'une dizaine de médailles dont la Légion d'honneur, la croix du combattant...
Pour la médaille des évadés, il a été obligé d'aller en justice, l'Etat français entérinant la condamnation allemande de déserteur!!! (1) Il finira par obtenir gain de cause.
(1) Dans le livre de Mady Fehlmann-Blackburn "Malgré-Nous! Alsaciens, Français de coeur, soldats d'Hitler" on peut relever le cas de Félix W. désertant l'armée allemande pour rejoindre les Russes, pensant ainsi être envoyé vers la France libre combattante selon la propagande. En fait comme beaucoup de jeunes Alsaciens crédules, il s'est retrouvé dans l'enfer du camp de Tambov où 17 000 Malgré-Nous sont morts de famine et de mauvais traitements.
Pour Félix W. il faut ajouter que le 12 juin 1944, le tribunal militaire allemand l'avait condamné pour "désertion vers l'ennemi" la sentence étant "peine de mort pour indignité militaire"
Après la Libération, les documents administratifs transferés par l'Allemagne à la France, ce jugement fut retranscrit tel quel sur le casier judiciaire de Félix W. Il y demeura malgré sa démarche en justice auprès du tribunal d'appel de Colmar!
-Daniel Fisher fut enrôlé dans les Waffen SS à 17ans ½. Il fut « récupéré » en Normandie par les alliés.
-Armand Klein fut enrôlé à 19 ans dans la Wermacht (armée régulière allemande). Blessé sur le front russe, il sera après s’être rétabli, envoyé en Normandie, puis en Belgique. De là, après plusieurs tentatives infructueuses, car les gens étaient effrayés en voyant son uniforme, il réussira à s’enfuir vers l’Alsace.
Maintenant sur le fond, qui étaient les Malgré-Nous? Comment les jeunes Alsaciens se sont-ils retrouvés enrôlés dans l'armée allemande?
Les Français sont peu nombreux à savoir ce que signifient ces mots. Pour les Alsaciens, ils rappellent une tragédie et une douleur qui ont touché presque toutes les familles.
En 1942 le Gauleiter Wagner dit «proconsul nazi Wagner» pour l’Alsace a obtenu d’Hitler que les jeunes gens d’Alsace et de Moselle soient incorporés bon gré, mal gré, dans l’armée allemande. Une infime minorité accepta, la majorité refusa. Ils devinrent les « Malgré-Nous ».
Ceux qui tentaient de s’enfuir pour échapper à l’incorporation de force étaient fusillés s’ils étaient repris. Quant à leurs familles, elles étaient déportées en Silésie, Poméranie, en principe loin vers l’Est, en n'ayant que deux heures pour rassembler quelques affaires. En général peu d'entre eux sont revenus.
Bien que la France déclara les Malgré-Nous « Morts pour la France » après la guerre, on préféra déployer le manteau de l’oubli et du silence sur ce drame dû à la défaite de la France en 1940 et à l’annexion de l’Alsace et de la Moselle.
Il y eut 130.000 incorporés de force, nés entre 1915 et 1926. A la fin, il s’agissait de gamins de 16-17 ans. Certains furent versés d’office après 1943 dans les régiments de Waffen SS tristement connus dont les pertes avaient été très lourdes.
La plupart des incorporés a été envoyée sur le front de l’Est vers la Russie. Les officiers qui s’en méfiaient, les traitaient de Schweinkopf/tête de cochon. Ils les jugeaient des traîtres potentiels. Les Alsaciens étaient ainsi disséminés dans les régiments.
Ils ont vécu l’enfer sur le front russe, en Pologne, Roumanie…sans parler des camps de prisonniers russes et américains, ou traités comme des Allemands beaucoup sont morts. On peut penser au sinistre camp de Tambov russe.
Recensement des incorporés de force morts ou disparus
Ils sont environ 40.000 sur 130.000, morts ou disparus sous l’uniforme de la Wehrmacht. Le général Baillard a parlé du projet d’un « Mur des noms » à Schirmeck, lors d’une réunion à la mairie d’Handschuheim avec Daniel Hoeffel ancien ministre, les amis du mémorial d’Alsace-Lorraine représentés par MM Meysembourg et Spisser, l’association des orphelins de père Malgré-Nous, Eric Sander de l’institut du droit local.
Sur ce mur du souvenir, situé « le long des allées du Mémorial d’Alsace-Moselle », s’inscrira les noms de ces 40.000 soldats morts ou disparus. Il pourra devenir en particulier un lieu de recueillement pour leurs familles privées de leurs sépultures. Les autres victimes du nazisme pour cette province seront inscrites sur un site interactif dans le mémorial.
Pour réaliser ce projet à partir de 2006 sur une durée de dix ans, on commencera par faire le recensement de toutes ces victimes auprès des mairies. Les présidents des conseils régionaux et généraux d’Alsace-Moselle participeront au financement de ces travaux qui serviront également aux universitaires.
Voir ici: Visite virtuelle du Mémorial Alsace-Moselle
En parallèle à ce drame que fût l'incorporation de force il ne faut pas oublier que de nombreux Alsaciens sont entrés dans dans des réseaux de résistance en Alsace. Beaucoup furent traqués par la Gestapo, comme mon gd oncle Robert Falbisaner décoré en 1945 par le général Paul Girod de Langlade. Mais bien des résistants payèrent de leur vie leur attachement à la France.
Illustrations:
D-Day overlord.com
Alsatia.eu: le monument aux morts de Strabourg est une piéta tenant ses deux enfants nus et morts l'un pour la France, l'autre contraint sous l'uniforme allemand
Nos articles précédents autour de ces sujets:
Geneablog: Souvenirs "Le Malgré-Nous et le cheval mémoire "
Les Malgré-Nous et le camp de Tambov
Les hasards de la guerre ou GI et Malgré-Nous
Témoignage d'un Malgré-Nous Jean-Pierre Apprill
Historique et information sur l'incorporation de force 1ère GM et 2ème GM
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