Régulièrement, en association avec le magazine-web Histoire-Genealogie.com, je viens sur Geneablog vous relater un entretien avec une personnalité marquante de la généalogie, l'histoire, et la vie de nos ancêtres.
Aujourd'hui, il s'agit de Roland de Tarragon, généalogiste amateur et paléographe confirmé, auteur d’un ouvrage sur les écritures anciennes, et qui maintenant propose sur son site des exercices interactifs de paléographie.
Une aide à l’initiation paléographique
1) Pouvez-vous présenter et nous décrire votre parcours en histoire et généalogie ?
• Je suis né en décembre 1938, dans un petit village de Beauce près de Chartres, à Courville-sur-Eure, berceau de la famille de Vieuxpont à l’origine de la châtellenie, et vassal des comtes de Chartres au XIIe siècle, qui n’a laissé comme trace de son prestigieux passé qu’une enceinte et un imposant pigeonnier, encore en état en 1955, date à laquelle j’ai quitté mes souvenirs d’enfance pour rejoindre le Vendômois et, où après des études traditionnelles, une formation professionnelle, et plusieurs postes dans le domaine technique et commercial, j’ai pris ma retraite, après 41 ans d’activité.
• J’ai passé près de 50 ans en Vendômois, rien ne me prédestinait à la pratique de la paléographie, si ce n’est la passion des archives, la lecture (à laquelle j’ai consacré la plus grande partie de mes loisirs) de vieux parchemins, de ces actes qui nous montrent dans leur rédaction les hésitations ou les difficultés dans les signatures. Avec eux, c’est la découverte de l’histoire, petite ou grande où transparaît la vie de chacun, c’est aussi l’intérêt pour la généalogie, la traque des ancêtres, la recherche et l’histoire des lieux où ils ont vécu, leurs occupations, leurs modes de vie.
• Au fil du temps et de ces archives ressurgissent les traces de ces hommes et femmes anonymes ou plus connus. Par exemple, mon premier ancêtre connu (la tradition veut que l’origine de la famille soit espagnole) épouse en Dunois la fille de Thenot Rousseau. Un de ses enfants (ils en ont au moins 9), Robin (alias Robert) de Tarragon devient homme d’armes dans la compagnie du Maréchal de Gié, comte de Rohan à la fin du XVe siècle. Par la suite, sur plusieurs générations, ma famille compte une longue lignée de militaires, parmi eux Alexandre un des mousquetaires du roi Louis XV. Deux de ses fils participent à la guerre d’indépendance Américaine, en particulier à la célèbre et meurtrière bataille de Savannah gagnée par les Anglais. Ils en réchappent, rentrent alors en France et sont incorporés dans l’armée de la République naissante. Un des deux, Anne-Claude, sera guillotiné et l’autre, Jean-Rémy, sera « protégé » par un de ses anciens soldats qu’il avait eu sous ses ordres et qui était membre du comité de salut public de Châteaudun.
• Parmi mes ascendants, et pour la même période, on peut aussi citer le frère d’une de mes ancêtres : Jean Dussault, né à Chartres, écrivain beauceron qui fréquenta Voltaire et Rousseau, fut député suppléant à Paris en 1791, membre de la Convention en 1792 qui se joignit aux Girondins, et fut sauvé lui-même de la guillotine par Marat.
• Cela montre bien la diversité de nos origines, et de nos gènes. J’ajoute que riches ou pauvres, tous font partie de mes ancêtres et représentent pour moi le même intérêt, quels que soient leurs rangs, leurs situations, leurs conditions, je ne suis moi-même que le fils d’un gendarme et j’en suis fier.
2) Vous êtes l’auteur d’un précieux ouvrage de paléographie qui a maintenant valeur de manuel. Comment avez-vous eu l’idée de rédiger cette vaste étude paléographique ?
• Qui ne s’est jamais découragé devant la lecture d’un acte ancien ?
• L'idée de ce recueil m'est apparue devant l'impression de difficultés que l'on éprouve tous lors de nos premières confrontations avec des documents anciens, la lecture en était incompréhensible du fait de l’écriture, bien sûr, mais aussi et surtout, en raison des abréviations et des enchaînements de mots. De plus, au début de mes lectures, j’ai recherché vainement un ouvrage pouvant m’aider. J'ai donc pris l'habitude, à des fins personnelles, et afin de ne pas me retrouver plus tard devant la même difficulté, de relever les formes bizarres que j'avais pu déchiffrer. La lecture d'un grand nombre d'actes notariés et d'archives utilisant des phrases et formes répétitives m'a permis de reconnaître ces abréviations, problèmes majeurs de lecture des débutants. Un classement pour les retrouver plus facilement a été rapidement nécessaire et, un jour, devant la masse d’informations réunies, j’ai eu cette réflexion : tout ce travail devrait pouvoir servir à d’autres que moi ! Pour ma part, j’aurais été heureux de trouver un tel outil à mes débuts !
Quarante ans (de mes loisirs) de pratique d’archives et 10 années à plein temps de la retraite ont été nécessaires pour mener à bien ce projet, que j’ai voulu partager.
• Avec un important travail de relevés, de compilation, de classement et de mise et forme, j'ai pu réaliser ce recueil qui permettra à chacun de s’initier à la lecture des actes anciens et qui, je l'espère, donnera le courage d'aborder ces formes d'écritures, de les découvrir et de prendre plaisir à les lire couramment. Il restera bien sûr, dans les cas difficiles, toujours des incompréhensions, des incertitudes, mais la majeure partie du texte et le sens des phrases seront accessibles.
3) Quel est le contenu de l’ouvrage ?
• Cette étude couvre une période de 1450 à 1750 avec des exemples d'écritures d’actes originaux, issus des archives notariales et de l’état civil. C’est plus de 7 500 fichiers images, en français et en latin, avec leurs traductions, qui sont classés par ordre alphabétique. Cette publication se présente sous deux supports :
ü Un livre : un fort volume de 525 pages au format 21 x 29,7cm. L’ouvrage se décline en 7 chapitres ; chaque chapitre se compose de planches présentant les différentes graphies d’une lettre, d’un mot ou d’un extrait de phrase ou d’expression, avec évidemment la transcription en français moderne.
ü Un cd-rom d’accompagnement : la page d'accueil donne accès au recueil (même contenu que le livre). Cette présentation reste la même tout au long de l'utilisation : pas de fenêtre à ouvrir ou à refermer, une barre des menus est toujours présente et elle permet de naviguer dans l'ensemble des rubriques proposées. Le cd-rom propose, en supplément à l’ouvrage :
- une rubrique Initiation
- une rubrique lecture d’actes originaux : Contrats de mariage, testaments, ventes, etc.
- des exercices
- des polices manuscrites.
• En résumé le format livre avec vous lors de vos dépouillements, et le cd-rom chez vous pour un apprentissage ou perfectionnement grâce à ses fonctions Recherche, Initiation, Lecture et Exercices.
4) Comment les généalogistes peuvent-ils utiliser votre ouvrage ?
• L’ouvrage est à utiliser sous deux formes :
1°/ Pour une recherche ponctuelle : sur une difficulté que vous rencontrez, la première démarche est de reconnaître, à l’aide des lettres de l’alphabet, la première lettre du mot puis la suivante, ensuite on peut vérifier à l’aide de syllabes la liaison des lettres entre elles.
Si on ne parvient pas à trouver le début du mot, les particularités seront passées en revue afin d’éliminer une difficulté qui n’existe pas ou plus (lettre ajoutée ou lettres utilisées à la place d’autres lettres) de nos jours dans certains mots l’orthographe ayant été modifiée.
Si le problème de compréhension persiste, on n’oubliera pas de vérifier dans les catégories et exemples d’abréviations, si le mot, sur lequel on bute, n’en fait pas partie.
Si le début du mot est découvert, on parcourt les mots commençant par les premières lettres, un classement alphabétique permet une recherche rapide (contrairement aux ouvrages, cours, contenant des textes complets avec leur traduction, et dans lesquels une recherche de ce type est inconcevable, voire impossible).
En ayant reconnu et trouvé un mot, on pourra, dans les pages «mots et phrases » de l’ouvrage, découvrir la suite de la phrase, sachant que tous les exemples ont été relevés dans des actes d’état civil, registres paroissiaux en français et en latin, et dans les archives notariales. Ce sont des exemples concrets, couramment employés dans les textes que vous aurez à lire.
2°/ Outre la recherche ponctuelle, qui s’effectue dans ce que l’on peut appeler « un recueil d’exemples » classés sous forme alphabétique (comme dans un dictionnaire) et pour pouvoir s’initier à la paléographie, il est impératif de pratiquer le plus souvent possible l’ensemble de l’ouvrage.
Ce n’est qu’en consacrant du temps à la lecture des mots, phrases, que vous vous habituerez à ces formes de lettres, de syllabes, d’abréviations. Les 45 premières pages sont essentielles pour une meilleure compréhension de la suite de l’ouvrage (formules et phrases traditionnelles) et ce n’est qu’en lisant et relisant l’ouvrage dans son intégralité que l’on va acquérir un automatisme.
Grâce à cette pratique la lecture deviendra plus facile, voire normale suivant le temps consacré.
Ce n’est qu’avec votre volonté, le plaisir et la passion d’apprendre, que la réussite sera au rendez-vous.
En résumé, si vous voulez lire facilement des documents anciens, il est nécessaire de travailler chez vous, en lisant les exemples et leurs traductions de l'ouvrage.
Le temps consacré sera largement compensé et récompensé quand vous vous rendrez aux archives ou lors de vos décryptages.
Votre adaptation à un nouveau scribe sera beaucoup plus rapide, les phrases traditionnelles vous seront connues, seules quelques difficultés persisteront.
Ce serait trop beau ! On apprend tous les jours et c’est toujours avec un grand plaisir.
5) Existe-t-il des ouvrages réalisés sous cette forme ?
• A ma connaissance non, si ce n’est qu’un ouvrage de l’école des chartes, mais qui correspond à une période plus ancienne de recherches, les exemples sont en latin, et concerne plus les chartistes.
• D’ailleurs, souvent les ouvrages et cours de paléographie sont présentés avec des textes complets et une traduction de la page en vis-à-vis. Cette méthode ne permet pas de retrouver dans votre propre document une difficulté sur laquelle vous butez. Le classement alphabétique me semble irremplaçable, c’est pourquoi je l’ai adopté.
• A ma connaissance, et celles de spécialistes amis, la présentation sous forme de ce recueil n’existait pas, elle leur semble plus apte à répondre aux problèmes de nombreux chercheurs, ceci en toute modestie, en effet je ne me présente pas comme un professionnel, mais comme un amateur éclairé.
• De plus, mon recueil se situe plus dans la période des recherches traditionnelles des généalogistes (du XVe siècle au XVIIIe siècle), et il se limite aux archives accessibles à tous dans les dépôts d’archives départementales.
• Enfin, cet ouvrage est reconnu comme un outil « sérieux », j’ajoute que certaines universités d’histoire, françaises ou étrangères francophones, et certaines bibliothèques s’y sont intéressées. Xavier du Boisrouvray, archiviste-paléographe, conservateur général du patrimoine, a bien voulu en rédiger la préface.
6) Depuis le 16 novembre, vous proposez sur votre site des exercices en ligne de paléographie. Qu’apportent- ils de plus que l’ouvrage et le cd-rom ?
• Ces exercices en ligne constituent une méthode innovante pour s’initier à la paléographie. De plus, ils sont gratuits et ont un intérêt complémentaire à mon ouvrage, qui lui ne montre pas d’une façon aussi précise l’enchaînement des lettres entre elles, ce que l’on ne retrouve pas non plus dans les ouvrages et manuels de paléographie, avec des actes et leur traduction sur des pages en vis-à-vis (conception traditionnelle des ouvrages ou à de rares exceptions quelques liaisons sont montrées).
• Dans les exemples de traductions globales, il est difficile de voir la place exacte de la lettre dans un mot, et encore plus quand le scribe (c’est assez courant) enchaîne plusieurs mots et pire plusieurs abréviations.
• Le comble est atteint, cela arrive ! qu’un début, une ou plusieurs syllabes d’un mot soient séparées de la fin du même mot et comble du comble la fin de ce mot s’enchaîne avec le début du mot suivant… Si ! si ! cela arrive aussi, croyez-moi ! et là on perd le fil de la phrase.
• Dans mes exercices, les infobulles qui donnent la traduction sont assez précises, du moins l’informatique ne m’a pas permis de faire mieux, c’est une approche novatrice et inédite de l’initiation à la paléographie.
• Les utilisateurs jugeront par eux-mêmes de l’intérêt de ces outils : Exercices en ligne, Livre et CD-Rom.
• Pour ma part, je pense et souhaite sincèrement que ce travail puisse apporter de l’aide au plus grand nombre, et faire gagner du temps dans l’initiation, sachant encore une fois que seuls le plaisir et la volonté d’apprendre, et le temps que l’on y consacrera, donneront des résultats plus ou moins rapides, la réussite est à ce prix. Souhaitant que cette découverte devienne passion. Avec tous mes encouragements et bonne lecture.
Mon avis sur les publications de Roland de Tarragon : Ces publications complémentaires, livre, cd-rom et maintenant exercices en ligne, constituent un précieux outil pédagogique qui se propose de vous accompagner dans la lecture toujours difficile des documents d’archives... C’est une véritable somme d’érudition paléographique que nous présente l’auteur ! Le fruit d’un travail de longue haleine ! Une compilation non exhaustive des différentes graphies d’une lettre, d’un mot, d’un nom, d’une abréviation ou d’une phrase... Quel que soit votre niveau de compétence en matière de paléographie, ces exercices vous seront utiles, et à coup sûr indispensables, pour compléter vos connaissances et débloquer bien des pièges de lecture... Avec eux, les documents incompréhensibles aux premiers abords trouveront sans doute un sens et une explication... Bref, une référence à garder à portée de la main pour une consultation pratique et immédiate ! (Thierry Sabot).
Pour plus d’informations :
§ Commande : Pour acquérir l'ouvrage de Roland de Tarragon
§ Exercices en ligne : Lettre à lettre, une traduction d'anciens documents
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