Plus de soixante ans après la fin de la guerre, on possède enfin une liste exhaustive de tous les citoyens de confession juive ayant habité en Allemagne entre 1933 et 1945. Cette « liste des résidents » vient d'être remise officiellement aux services de la chancellerie fédérale.
Trois années de recherches, plus de deux millions de documents passés au peigne fin, 1,57 millions d'euros de budget. Au final, 600.000 noms figurent sur cette « liste des résidents », premier recensement exhaustif des citoyens de confession juive ayant séjourné en Allemagne nazie. En recevant ce document unique des mains des chercheurs de la fondation « Souvenir, responsabilité, avenir », la ministre d'Etat Hildegard Müller a fait part, au nom de la chancelière, de son émotion : la liste « sort de l'oubli ces citoyens et leur redonne leur dignité ».
Elle n'est en effet pas une succession de noms. Elle relate des destinées. Dans la mesure du possible, on y a indiqué des éléments de la vie de chacun des résidents : date de naissance, mariage, adresse précise, informations sur une éventuelle émigration, date d'arrestation, de déportation et, le cas échéant, lieu et date du décès. « Se souvenir de cette communauté juive d'Allemagne n'est pas seulement important pour les familles et les juifs d'aujourd'hui. C'est une manière de constater que nous -les Allemands, l'Allemagne- avons perdu à jamais ces concitoyens », a souligné dans son discours Günter Saathof, le président de la fondation.
Certaines personnes sont encore vivantes, la liste a donc été placée au registre des données confidentielles. Mais le gouvernement allemand la tient à disposition des familles et des chercheurs. Des exemplaires ont été envoyés au mémorial de Yad Vashem de Jérusalem, à l'Holocaust Memorial Museum de Washington, au service des recherches de la Croix-Rouge internationale et à la Jewish Claims Conference. L'Allemagne conserve quatre copies consultables au musée juif et au Centrum Judaicum de Berlin, aux archives fédérales et au centre de recherche de Bad Arolsen.
Avec cette liste, les spécialistes espèrent apporter une nouvelle dimension à la recherche sur les victimes du nazisme. Ils s'attendent en effet à découvrir de nouveaux noms : des personnes qui ne figurent pas sur les listings des camps de concentration par exemple, parce qu'elles ont fui l'Allemagne à temps, mais que l'on peut légitimement considérer comme victimes de la politique nazie.
Au total, un millier de communes allemandes ont ouvert leurs archives à la fondation « Souvenir, responsabilité, avenir ». Devant l'ampleur de la tâche, les chercheurs ont tout d'abord étudié les registres d'état civil des 530 communes dont la communauté juive comptait au moins 50 membres.
Un travail de fourmi effectué en coopération étroite avec plusieurs organisations juives. Il était en effet hors de question que les chercheurs s'appuient sur les définitions racistes fixées en 1935 dans les lois de Nuremberg. Le Centrum Judaicum de Berlin et le centre Yad Vashem de Jérusalem ont notamment aidé les chercheurs à établir une définition de la judéité, pour savoir qui devait-on inscrire sur cette liste. Mais rien n'est figé. Ce registre est appelé à évoluer si des informations nouvelles émergent sur tel ou tel résident.
Sources : § DNA : Article de presse
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