Nous avons tous parmi nos livres quelques préférés. Pour moi il y en a un qui m'enchante, il s'agit des "Mémoires" de Lazare de la Salle qui les a rédigées sous le nom de sieur de L'Hermine. Lors de son premier séjour en Alsace en 1674 il avait une charge de receveur général pour le Sundgau (une partie du Haut-Rhin).
Cela se place après la guerre de trente ans (1618-1648), et le rattachement à la France de la majeure partie de l'Alsace qui jusque là faisait partie du Saint empire romain et germanique depuis des siècles. Aussi lorsque de L'Hermine parle d'Allemagne il s'agit de l'Alsace très récente province française.
Dans son chapitre concernant les us et coutumes on peut relever un insolite récit.
« C'est, ce me semble, ici le lieu de parler d'une particularité que je n'ai vu qu'en Allemagne et qu'on peut mettre dans la catégorie des maladies.C'est une excroissance de poil comme une longue tresse de cheveux mêlés, qui vient à la tête de quelques personnes et qui leur pend jusques aux pieds.
On voit aussi des chevaux qui en ont de pareilles dans les crins du cou, et l'on appelle cela des follets. De donner raison de cette production étrange, qui est commune à l'homme et à la brute, cela passe mon intelligence. Tout ce que je puis dire, c'est qu'on prétend que les chevaux qui portent ce toupillon de crin mêlé sont toujours plus propres, mieux étrillés et mieux soignés que les autres, quoique les valets ne les pansent point, l'opinion étant que c'est un lutin ou un esprit follet qui leur rend ce service. Je ne voudrais pas garantir cet article.
Comme les chevaux ne parlent point, il n'est pas possible d'en tirer la vérité par des interrogations; mais l'homme raisonnable à qui cette cadenette mal peignée croît de même qu'au cheval, devrait contenter notre curiosité.
J'ai vu deux personnes qui avaient ce follet, l'un était un gentilhomme de la basse Allemagne, avec lequel j'ai mangé à la table du baron de Reinach dans son château de Foussemagne, près de Belfort; il avait cordonné cette tresse de poil avec du ruban noir, et elle lui pendait sur le dos comme une bourse à perruque. Je ne m'en serais pas avisé, sans la compagnie qui raillait sur l'entêtement où il était de n'oser faire couper ce vilain toupillon de cheveux; il avait effectivement la faiblesse de croire qui si on le lui avait rasé, il lui en arriverait une rude maladie ou quelque autre accident.
L'autre personne que j'ai vue avec un pareil écheveau de faux cheveux était une vielle femme à Belfort, qu'on appelait toujours la belle Jeanne, quoique l'âge lui eût bien effacé son ancienne beauté; elle avait la même crainte de perdre son follet. Je l'ai interrogé plus d'une fois sur cet article, pour savoir si elle avait ce long poil dès sa naissance, et si elle ne s'en trouvait point incommodé; elle m'a toujours répondu que cette tresse lui était venue étant encore fille, toute en une nuit, et qu'elle était si longue qu'elle traînait plus d'un pied à terre; qu'au reste elle n'en avait point d'autre souci qu'une grande crainte qu'on ne la lui coupât, croyant que sa vie dépendait de là.
Voilà sincèrement tout ce que j'ai pu apprendre de ce phénomène de nature. Je laisse aux savants médecins et autres physiciens à en tirer toutes les conjectures qu'il leur plaira. ».
Après lecture de ces pages ont ne peut qu'être interloqué par l'étrangeté de ce récit qui rapporte un fait vraiment insolite. En lisant cela on se rend compte de ce monde du XVIIème S. où règne le merveilleux et l'incompréhensible.
Complément :
§ Généablog : France, Allemagne et leur langue (extrait des Mémoires)
*Les Mémoires sont disponibles en pdf sur le site des amis du CDHF
Le livre du sieur de L'Hermine
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