En cette période où l'on se penche sur mai 1968, ses faits et ses effets, nous avons choisi de publier en chapitres le récit d'un voyage de notre ami et associé Benoît Fichet.
Il avait 14 ans en 68 et avait humé l'air de la liberté. Arrivé à l'âge étudiant, il en a profité pour prendre le grand large, histoire de vérifier qu'après les pavés on pouvait trouver le sable du désert, les forêts équatoriales et des ailleurs passionnants. (France Apprill)
Tam en vue!
Nous repartons à six dans les deux voitures, y compris tous les bagages, nous sommes au moins deux à repartir le coeur gros : le propriétaire de la voiture, et moi qui a dû quitter la splendeur des lieux. Heureusement que la tôle ondulée s’adoucit car nous sommes vraiment surchargés.
Le sable apparaît sur la piste, les vallées s’élargissent, et les pistes parallèles, très dangereuses, s’épanouissent en tout sens. Si on ne perd pas de vue la piste principale avec ses hauts tas de pierre en guise de borne de repère, il n’y a guère de raison de se perdre. Encore faut-il qu’il y en ait, et avoir de puissantes paires de jumelles pour deviner le tas suivant au cas où il en manquerait un.
Les pistes parallèles sont très tentantes car bien sablonneuses et sans tôle ondulée, mais de temps en temps, il faut reprendre la piste normale et c’est l’enfer pendant 5 ou 6 kilomètres. Sur cette route, nous avons crevé quatre fois et nous n’avons pas pu trouver suffisamment de grosses pierres pour soulever la voiture concernée. Bien sûr le cric ne fonctionnait plus. De plus, les manchons des châssis de voiture étaient depuis longtemps hors d’usage à cause des projections de cailloux !
Nous arrivons aux Forts In Ecker et In A’mguel. Nous pouvons voir les déchets de l’armée française : des hectares recouverts de bidons rouillés ou nettoyés par le sable, selon leur exposition au vent. Un peu plus loin, deux pylônes électriques à haute tension, dépouillés de leurs câbles, brillants comme des sous neufs, paraissent comme des immenses pantins. De plus près, on s’aperçoit que les pieds sont déjà rongés à moitié par les vents de sable. Un jour, ils tomberont comme des arbres entaillés par la hache. La route est goudronnée, du moins quand les nids de poule n’occupent pas la moitié de la chaussée. On en vient à souhaiter le retour de la piste ensablée.
Nous arrivons bientôt à Tamanrasset, une ville toute rouge comme In-Salah. Les bâtiments officiels de la ville et de l’Etat Algérien sont en brique. Toutes les maisons sont en terre (bien) séchée.
Pour mémoire, en 1976 il n'y avait pas de GPS !
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