Le Mulhouse de ma grand'mère.
"Grand’mère quand je serai grande… tu seras morte... c’est vrai ?"
C’est avec ses mots définitifs et inquiets qu’est née ma vocation de généalogiste. Notre aïeule faisait alors un séjour chez nous, dans le Limousin, le pays de mon coeur, où mon père était médecin.
Prise de la crainte d’ignorer ce qui concernait grand’mère et ses parents, les parents de ses parents et cela aussi loin que mes six ans pouvaient imaginer cet infini qui m’avait précédé, j’entrepris un questionnement sans fin. Il devait durer aussi longtemps que sa vie… heureusement fort longue, car elle a disparu à quelques mois de ses 100 ans.
Son père facteur de piano était né dans une haute vallée vosgienne à Moosch. Ces Grunenwald étaient déjà là vers 1600, maires seigneuriaux, membres du conseil, ayant titre de bourgeoisie, possédant et cultivant des terres, ébénistes, meuniers...
Et mon aïeule d’égrener au fil des ans et des conversations de nombreuses anecdotes et les noms des familles alliées: Arnold, Luttringer, Kibler, Haller, Bisel, Malzacher, Tilger, Haas, Schilling et pour l’un de ces derniers de me montrer son portrait, une belle peinture à l’huile dans son salon.
Elle me parlait de cette vallée de St Amarin assez sévère alors, aux immenses forêts de sapins. Elle aimait les petits séjours quand elle accompagnait son père. Ils y allaient ensemble dans la voiture attelée, tranquillement devisant de musique, parlant des aïeux, de l’enfance de son père et de ses frères et sœurs.
Un chapitre dans toute cette généalogie me laissait rêveuse, celle de la branche Piémontaise de son grand père maternel, Marie-Jean-Antoine Chiappini (1822-1890), artiste-peintre. Il avait étudié la peinture à l’académie impériale de Milan (sous régime de l’empire autrichien). Il s'était constitué une très belle collection de tableaux de maîtres anciens : Simon Vouet, Laurent de la Hire, Rubens, Breughel...
C’est Joseph-Antoine Chiappini, le père de Marie-Jean-Antoine Chiappini qui avait émigré ca 1810 sous Napoléon Ier, lorsque le Piémont était devenu département français. Les peintures nous les montrent beaux, grands, blonds aux yeux bleus ou gris-vert. Grand’mère était une conteuse merveilleuse. Elle disait un monde disparu, celui de son enfance. Ils n'étaient pas riches mais à force de travail étaient aisés.
L’Alsace au moment de sa naissance en 1883 était sous régime allemand depuis une dizaine d’années. Au gré de ses récits surgissait la vie d’alors, où à Mulhouse paradaient les troupes de l’empereur Guillaume II, musique en tête avec tambour retentissant. Le perroquet de la famille qui l’imitait à la perfection, redoublait la tambourinade sur son perchoir, devant la fenêtre de leur maison qui donnait place de l’hôtel de ville. Ceci à l’amusement des passants qui l’applaudissaient lui !
Mulhouse était francophile, mais la coexistence avec les « Prussiens » n’avait rien de la violence que connut l’époque nazie du IIIème Reich. La famille parlait couramment, français, allemand et alsacien. Ils s’écrivaient sans problèmes des cartes en français lors de nombreux voyages et excursions : en Italie, Suisse, Allemagne, ou à l’exposition de 1900 à Paris.
Fin du premier épisode... et suite:
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